Le Journal de Quebec

Un ex-organisate­ur libéral entrave une enquête sur la corruption

Un ancien collecteur de fonds du parti de Jean Charest à l’amende pour 10 000 $ par son ordre profession­nel

- JEAN-FRANÇOIS CLOUTIER Bureau d’enquête

Un ex-organisate­ur du Parti libéral du Québec fait des pieds et des mains depuis deux ans pour ne pas répondre aux questions de l’ordre des comptables profession­nels agréés concernant une mégafraude alléguée dans des transactio­ns immobilièr­es du gouverneme­nt.

Charles Rondeau, qui a été un des plus importants collecteur­s de fonds libéraux de l’ère Jean Charest, est l’un des individus soupçonnés par l’unité permanente anticorrup­tion (UPAC) d’avoir touché des commission­s secrètes lors de transactio­ns à la défunte Société immobilièr­e du Québec (SIQ).

Notre Bureau d’enquête a appris qu’il s’est également retrouvé dans la mire de l’ordre des comptables profession­nels agréés du Québec. Il vient même d’écoper d’une amende de 10 000 $ pour avoir entravé le travail du syndic de l’ordre.

En novembre 2016, peu après que Radio-canada ait révélé que L’UPAC enquêtait sur cette fraude alléguée de 2 millions $, l’ordre a voulu savoir quelle avait été l’implicatio­n de Rondeau dans le versement de sommes potentiell­ement illégales.

« J’ai été informé d’allégation­s de fraude où vous seriez impliqué », lui a d’abord écrit le syndic de l’ordre des comptables.

LOURDE AMENDE

Dans un premier temps, une avocate de Rondeau, Sophie Dubé, a dit « douter de la légitimité » de l’enquête du syndic.

« Vous faites gravement erreur quand vous “estimez” que votre client n’est pas tenu de donner suite aux questions posées par le syndic adjoint de son ordre profession­nel », lui a rétorqué Sébastien Dyotte, procureur du syndic.

En décembre 2017, à la suite de son refus de collaborer, Rondeau a été reconnu coupable d’entrave au travail de son syndic par le Conseil de discipline de l’ordre.

Une amende de 10 000 $, soit quatre fois le montant minimal, lui a été imposée en juillet dernier.

« Il est clair [...] que l’intimé n’a jamais eu l’intention de répondre aux questions [...] concernant les allégation­s d’une fraude de près de 2 M$ », souligne la décision sur sanction consultée par notre Bureau d’enquête.

Le comporteme­nt de Rondeau « empêche le plaignant [le syndic de l’ordre] de faire la lumière sur les allégation­s d’une fraude importante », poursuit la décision.

AUCUN REMORDS

La situation est d’autant plus grave, selon le Conseil de l’ordre des comptables, que Rondeau a d’abord laissé croire au syndic qu’il avait l’intention de lui répondre. Il a ensuite contesté la légitimité de l’enquête. Il a renoncé à son titre de comptable agréé quelques jours après avoir été reconnu coupable d’entrave, en décembre 2017.

Il ne fait part d’« aucun regret ni remords », selon le Conseil.

Sa démission n’est qu’un « prétexte » pour se soustraire à la justice, d’après le Conseil.

ENQUÊTE EN COURS

Charles Rondeau n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue. Son avocat, Marc Gaucher, a dit ne pas pouvoir commenter en raison de son « code déontologi­que ».

En parallèle, la fraude alléguée à la SIQ fait toujours l’objet d’une enquête de L’UPAC nommée Justesse.

Selon la police, l’ex-patron de la SIQ, Marc-andré Fortier, ainsi que trois collecteur­s de fonds libéraux, dont Rondeau, se seraient partagé près de 2 M$ dans le cadre de prolongati­ons de baux signés par la SIQ.

Des fonds auraient été versés aux Bahamas, un paradis fiscal, et en Autriche.

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PHOTO D’ARCHIVES Charles Rondeau, qui a dû témoigner lors de la commission Bastarache, aurait bénéficié d’un accès privilégié au cabinet du premier ministre Jean Charest au début des années 2000.

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