Le Journal de Quebec

Bolsonaro, le « Trump tropical », en passe de présider le pays

Le candidat populiste d’extrême droite Jair Bolsonaro continue de séduire l’électorat brésilien

- LOUIS GENOT

« TRUMP VEUT RENDRE SA GRANDEUR AUX ÉTATS-UNIS ET MOI AUSSI JE VEUX UN GRAND BRÉSIL. » – Jair Bolsonaro

RIO DE JANEIRO | Grand favori du second tour de la présidenti­elle demain au Brésil, Jair Bolsonaro a séduit des millions d’électeurs avec un discours sécuritair­e qui a fait mouche, malgré ses dérapages racistes, misogynes et homophobes.

L’ex-capitaine de l’armée à la rhétorique sulfureuse affiche sans complexe sa nostalgie des « années de plomb » de la dictature militaire (1964-1985).

Mais le candidat d’extrême droite, crédité de 56 % des intentions de vote dans le dernier sondage, s’est défendu d’être une menace pour la démocratie, promettant d’être « esclave de la Constituti­on » et de gouverner « avec autorité, mais sans autoritari­sme ».

Regard bleu perçant, ce député de 63 ans épargné par les scandales de corruption qui rongent le Brésil a pour projet phare de libéralise­r le port d’armes pour permettre aux « gens bien » de se faire justice eux-mêmes.

Ironie du sort, Jair Bolsonaro a été lui-même victime de violence : le 6 septembre, il a frôlé la mort après avoir été poignardé à l’abdomen par un déséquilib­ré lors d’un bain de foule.

De quoi entretenir encore plus son image de « Mythe » – le surnom que lui donnent ses plus ardents partisans – à présent assortie de celle d’un martyr.

Hospitalis­é trois semaines, il n’a pas pu reprendre sa campagne dans les rues ni participer aux débats télévisés, mais est resté très actif sur les réseaux sociaux, où il fait un tabac avec près de 8 millions d’abonnés sur Facebook.

LIGNE POLITIQUE FLOUE

Le format concis et direct du numérique lui va comme un gant. Loin d’être un grand tribun – il s’exprime avec une syntaxe approximat­ive et a un cheveu sur la langue –, il sait s’adresser directemen­t à l’électeur-internaute avec de petites phrases qui font mouche.

Sa ligne politique est floue, comme en témoignent ses nombreux changement­s d’étiquette au fil des années.

Même s’il avoue ne rien comprendre à l’économie, il est parvenu à gagner la confiance des marchés grâce à son gourou Paulo Guedes, un « Chicago Boy » ultralibér­al, dont il veut faire un « super ministre ».

Souvent surnommé le « Trump tropical », il cite fréquemmen­t le président américain, qu’il admire.

« Trump veut rendre sa grandeur aux États-unis et moi aussi je veux un grand Brésil », a affirmé récemment le candidat.

L’ex-capitaine de l’armée a de toute évidence l’intention de s’aligner sur les positions les plus controvers­ées du président américain.

Il a laissé entendre qu’il suivrait l’exemple de Trump en sortant de l’accord de Paris sur le climat si la « souveraine­té nationale » était compromise.

Jair Bolsonaro a même manifesté dans plusieurs vidéos circulant sur les réseaux sociaux son intention de déménager l’ambassade brésilienn­e de TelAviv à Jérusalem, comme les États-unis en mai dernier. Il est même allé plus loin en déclarant début août que, s’il arrive au pouvoir, la Palestine n’aura plus d’ambassade au Brésil.

Mais contrairem­ent à Donald Trump, Jair Bolsonaro a déjà une longue carrière politique derrière lui : il siège à la Chambre des députés depuis 1991.

« Il parle des “politicien­s” comme s’il ne faisait pas partie de ce monde. Il a réussi à faire passer l’image d’un homme fort, adepte de la ligne dure, qui va combattre la corruption », explique Michael Mohallem, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas.

DÉRAPAGES EN SÉRIE

De confession catholique, il est pourtant épinglé par certains sur le fait que ses cinq enfants (dont trois sont des hommes politiques) sont le fruit de trois unions.

En 2017, Jair Bolsonaro a fait étalage de sa misogynie en affirmant qu’après avoir eu quatre fils, il a « faibli » en engendrant une fille.

Bolsonaro est né en 1955 à Campinas, près de Sao Paulo, dans une famille d’origine italienne, et sa carrière militaire a été émaillée d’épisodes d’insubordin­ation : il a même été accusé dans les années 1980 d’une tentative d’attentat à la bombe pour obtenir une augmentati­on de solde.

Jair Bolsonaro a fait l’essentiel de sa carrière politique à Rio, où il a été élu conseiller municipal en 1988 et a obtenu son premier mandat de député fédéral trois ans plus tard.

En tant que parlementa­ire, il s’est davantage illustré par ses dérapages dans l’hémicycle que pour les projets de loi qu’il a fait approuver, seulement deux en 27 ans.

En 2014, il avait fait scandale en prenant violemment à partie la parlementa­ire de gauche Maria do Rosario, lui lançant qu’elle « ne méritait pas » qu’il la viole, car elle était « trop moche ». Deux ans plus tard, il a fait l’éloge d’un tortionnai­re de la dictature militaire (1964-1985).

M. Bolsonaro a également multiplié les déclaratio­ns homophobes : dans un entretien au magazine Playboy en 2011, il a affirmé qu’il préférerai­t avoir un fils « tué dans un accident » plutôt qu’homosexuel.

 ?? PHOTO AFP ?? Jair Bolsonaro, un ex-capitaine de l’armée de 63 ans et nostalgiqu­e de la dictature militaire brésilienn­e (1964-1985), récolte 56 % des intentions de vote malgré ses nombreux dérapages racistes, misogynes et homophobes.
PHOTO AFP Jair Bolsonaro, un ex-capitaine de l’armée de 63 ans et nostalgiqu­e de la dictature militaire brésilienn­e (1964-1985), récolte 56 % des intentions de vote malgré ses nombreux dérapages racistes, misogynes et homophobes.

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