Souvenirs de Vladislav Tretiak
Des victoires pour rassembler le peuple russe
MOSCOU | « Quand le président Vladimir Poutine m’a demandé d’être président de la Fédération russe de hockey, il m’a dit qu’il avait besoin de victoires. Ça faisait 15 ans qu’on ne gagnait pas. Parce que, m’a-t-il dit, nous allons unifier et réunir les gens du peuple russe grâce à ces victoires. Les victoires sont bonnes pour tous. »
C’est Vladislav Tretiak qui explique dans son superbe bureau de la Fédération russe de hockey comment et pourquoi il s’est retrouvé président de l’organisation. Et comment Vladimir Poutine l’a également nommé à la Douma, l’assemblée du gouvernement russe.
Et depuis, Vladislav Tretiak, peut-être la plus grande idole du hockey russe, travaille avec acharnement pour développer et faire grandir encore plus le hockey russe. Dans les deux prochaines semaines, il va se promener de la Sibérie à la République tchèque et finir son périple à Toronto pour la cérémonie du Temple de la renommée.
D’ailleurs, en jasant avec Valeri Kamensky, pour me parler de Vladislav Tretiak, il avait employé l’expression « Tretiak is a very busy man » (Tretiak est un homme très occupé).
D’UNE MERCEDES NOIRE…
La rencontre avait débuté dans le stationnement. Au siège social de la Fédération russe de hockey. Je stationnais ma paresseuse fourgonnette quand une grosse Mercedes 450 S s’est arrêtée devant la porte. Vladislav Tretiak en est sorti pendant que le chauffeur allait stationner la limousine.
On est entrés dans l’antichambre de son bureau. Tretiak s’est excusé parce qu’une équipe de télévision l’attendait. Dix minutes plus tard, on pénétrait enfin dans le saint des saints de la Fédération de hockey russe : le bureau de Vladislav Tretiak.
Des trophées, des souvenirs, des médailles gagnées par ses équipes partout sur la planète hockey. Et pour dessert, il me montrera le plus beau livre de hockey que j’aie jamais vu.
« Je l’ai reçu en cadeau », m’a-t-il expliqué en feuilletant les pages enjolivées de dorures remplies de photos des plus grands joueurs russes.
Mais la première médaille qu’il m’a montrée, c’est celle de 2008. La médaille d’or gagnée à Québec. La médaille du Championnat du monde que lui et Kamensky semblent savourer plus que toutes les autres. Celle du retour.
Toutes ces belles médailles, il faut continuer à en gagner. Tretiak rit : « Le président Poutine a commencé à jouer au hockey à 60 ans. Heureusement, c’est un athlète et il a progressé rapidement. C’est important pour notre hockey que le président du pays soit amoureux de notre sport. Avant M. Poutine, le président Boris Eltsine jouait au tennis. Tout le monde s’était mis au tennis », raconte-t-il en riant.
TELLEMENT À FAIRE
Et Poutine a donné un mandat clair à Tretiak. Que le hockey russe redevienne aussi grand que le hockey soviétique. Mais les temps ont changé dramatiquement, dit-il, et les besoins sont criants.
« Nous manquons d’arénas. La Finlande a 240 arénas, la Suède 340, le Canada 3000 arénas et 600 000 joueurs. Et nous en Russie, nous n’en avons que 514. Aussi, le président Poutine a lancé un vaste programme pour qu’on puisse construire des arénas et permettre à nos jeunes de se développer », explique Tretiak avec détermination dans la voix et le regard.
Tant à faire dans un pays si vaste. Tant à faire avec une économie florissante à Moscou, mais languissante dans le reste de ce pays qui s’étend comme un continent.
Je l’ai expliqué la semaine dernière. La fédération coordonne tous ces programmes et supervise toutes les équipes nationales.
L’ORDRE DU CANADA
Pas possible de passer une heure et demie avec Vladislav Tretiak sans parler de ses plus grands moments.
« Notre victoire de 7-3 au Forum en 1972 lors du premier match de la Série du siècle. Puis, le 3-3 du 31 décembre 1975 au Forum. La plus belle partie de hockey jamais disputée. L’ovation aux sportifs après la rencontre avec Peter Mahovlich et Yvan Cournoyer au centre de la glace. Et la victoire de la médaille d’or aux Jeux de 1976 à Innsbruck. Mais il y en a tellement… comme la victoire de 6-0 au Madison Square Garden à New York, la victoire de 8-1 contre le Canada au Forum en 1981 », dit-il avec le sourire.
Puis, il a parlé de Martin Brodeur. Abondamment et avec chaleur : « Le meilleur au Canada. Stable, concentré, grand et fort. En plus, je l’ai connu à mon école de hockey à Brossard quand il était tout jeune ». – Meilleur que Patrick Roy ? – Patrick n’a pas gagné de médaille aux Jeux olympiques.
Et il ajoute, mais pour taquiner le bouillant Casseau : « Quand Serge Savard et le ministre des Sports canadien sont venus me rencontrer à Sarajevo pour que je vienne jouer avec le Canadien, j’étais d’accord. C’était en 1984. Si j’avais été là, Patrick aurait commencé plus tard dans la Ligue nationale », lance Tretiak à la blague.
Il poursuit avec le sourire : « Je n’ai pas gagné la coupe Stanley. Mais je suis le seul Russe à avoir été reçu membre de l’ordre du Canada. Pas mal pour un gars qui vous a souvent battus. »
Mais c’était dit dans la bonne humeur.