Faites-vous confiance aux chiros ?
Quand je faisais du reportage, enquêter sur l’église de Scientologie assurait aux journalistes le même traitement qu’enquêter sur les chiros : un gros paquet de troubles.
Les fondements étaient les mêmes : un mélange de science, de pseudoscience, de pablum intellectuel et d’enseignements venus du ciel.
La semaine dernière, le Globe and Mail a publié un exposé dévastateur de la pratique chiropratique en Ontario. Au menu, vitalisme, subluxations, flux énergétiques, intelligence innée, autoguérison et autres « charlataneries » néanmoins protégées par les autorités.
« Vous me parlez de théories qui remontent à la fin du 19e siècle », me dit Jean-françois Henry, le président de l’ordre des chiropraticiens du Québec. « Aujourd’hui, la chiropratique repose sur des faits scientifiques éprouvés. À condition de rester dans son champ d’exercice, le système neuro-musculo-squelettique. Pas les otites. »
Pas l’autisme, l’infertilité ou le can- cer, comme certains chiros l’annoncent quand ils ne militent pas contre la vaccination. « Un chiro m’a déjà dit qu’il pouvait guérir mes allergies. Je n’y suis pas retournée, » lui dis-je. « Vous avez bien fait. » Je l’aime, lui !
JAMAIS PROUVÉ
Selon une recherche pancanadienne récente, 37,5 % des chiros disent traiter les allergies et le TDAH par la manipulation de la colonne ou du crâne pour libérer « l’intelligence innée » bloquée par des « subluxations ». Ce qui n’a jamais été prouvé. En Ontario, quatre des neufs membres du College of chiropractors of Ontario défendent pourtant ces théories non scientifiques, toujours selon le Globe.
Mais les sceptiques, dont je suis, se demandent s’il existe au Québec des chiros qui sortent du cadre neuro-musculo-squelettique, lui préférant le « miracle » du vitalisme ?
Sans aucun doute. Le marché est là : les Québécois ont beaucoup de tolérance pour la non-science en santé. Heureusement, le président de l’ordre des chiropraticiens se range côté science.
PLUS CRÉDIBLE
Au Québec, la chiropratique est enseignée à l’université depuis 25 ans. L’UQTR confère un doctorat après cinq ans d’études. Elle est encadrée par l’office des professions. Mais derrière les portes closes, que se passe-t-il ?
« Je veux le savoir. J’ai commandé une étude des sites web des chiros du Québec pour savoir ce qu’ils proposent, » me dit Jean-françois Henry, chiropraticien de père en fils, dont la clinique est située dans Hochelaga-maisonneuve.
« Et surtout, nous travaillons à faire changer la loi-cadre vieille de 45 ans. La pratique a évolué. Nous pourrions aider à désengorger le réseau. »
Le scandale ontarien est-il possible au Québec ? « Non. J’en ai la certitude. »
SI J’AVAIS SU
J’ai commencé cette chronique convaincue que la chiropratique relevait irrémédiablement du charlatanisme. J’ai changé d’avis, avec des questions, mais le président de l’ordre m’a convaincue que la soif de reconnaissance de cette profession était légitime tant qu’elle se cantonnait à la biomécanique du corps, et non aux théories victoriennes ésotériques de flux énergétiques intelligents.
La chiropratique semble perdre du terrain au profit de l’ostéopathie. J’ai consulté celle qu’on appelait « l’ostéopathe des vedettes » pour un mal de dos. Elle a flatté mon ventre et tiré sur mes palettes pendant trois mois, sans résultat.
Si j’avais su, j’aurais consulté un chiro québécois.