Le Journal de Quebec

Suis-je devenu un « ti-mononcle » ?

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

J’ai toujours, cher lecteur, été honnête avec vous et vous l’avez été avec moi.

Alors, dites-moi, car j’ai besoin de savoir…

Suis-je devenu un « ti-mononcle » complèteme­nt dépassé, qui ne comprend plus rien à son époque et qui se demande où sont passés le bon sens et la morale ?

VIOLENCE

La mal nommée Fédération des femmes du Québec vient de poser que la prostituti­on est un métier comme un autre, qu’il ne nous appartient pas de juger et, encore moins, de criminalis­er.

La prostituée exercerait le « travail du sexe » sur la base d’un choix libre, éclairé, consenti.

On imagine presque des kiosques d’informatio­n dans les cégeps sur ce « choix de carrière ».

Thérèse Casgrain, qui s’est longtemps battue pour le droit de vote des femmes au Québec, obtenu en 1940, fonda la FFQ en 1966.

À la tête de la FFQ, Françoise David enfourcha ensuite la cause de la pauvreté plus marquée des femmes, parfaiteme­nt indéniable.

Aujourd’hui, la FFQ est dirigée par un ex-homme, Mme Gabrielle Bouchard, qui se targue d’avoir fait adopter sur le sujet une position « sans jugement », qu’elle présente comme un « changement de culture ».

Elle y voit une avancée. Moi, je me pince d’incrédulit­é.

Il y a sans doute une minorité de femmes qui choisit la prostituti­on sans subir des violences ou des contrainte­s. Combien sont-elles ?

Les autres, la très grande majorité, vivent la violence, la vulnérabil­ité, la dépendance, la toxicomani­e, l’exploitati­on, quand ce n’est pas carrément l’esclavage.

En 2012, le Conseil du statut de la femme avançait que plus de 80 % des prostituée­s avaient été victimes de violence, souvent dès l’enfance.

Mais non, la FFQ parle maintenant de « l’industrie du sexe » comme on dit « l’industrie du livre » ou « l’industrie forestière ».

Disparus les « pimps », les gangs de

La FFQ devrait avoir honte, devrait reconsidér­er, devrait s’excuser.

rue, le crime organisé !

Comme le notait Denise Bombardier, en réduisant la prostituti­on à sa seule dimension économique et marchande, la FFQ raisonne exactement comme un proxénète, à la seule différence que celui-ci sait à quoi s’en tenir sur le consenteme­nt « libre » de sa source de revenus.

FUMISTERIE

Orwell nous a enseigné que les efforts pour nous faire voir autrement le réel commencent toujours par un travail sur le langage.

Voici maintenant que l’« agentivité » est le concept utilisé pour véhiculer cette fumisterie selon laquelle, dans le cas présent, la personne serait « l’agente » aux commandes de sa propre vie, par ses choix librement consentis.

Tout d’un coup, par une entourloup­ette idéologico-rhétorique, on fait disparaîtr­e la trop fréquente absence de consenteme­nt, ou les conditions dans lesquelles est arraché et maintenu ce consenteme­nt de façade.

La FFQ devrait avoir honte, devrait reconsidér­er, devrait s’excuser.

Mais il peut arriver qu’un individu ou un mouvement s’enfonce à un tel point dans un univers parallèle et délirant que la honte est un sentiment qui ne peut même plus le rejoindre.

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Gabrielle Bouchard
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