Le Journal de Quebec

L’anglais, trop fort

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Je suis tombé hier par hasard sur un texte intitulé « Is the English language too powerful ? ». (La langue anglaise estelle trop puissante ?)

L’auteur, Kai Chan, est « distinguis­hed fellow »à L’INSEAD (l’institut européen d’administra­tion des affaires). Il a grandi à Toronto, mais conseille entre autres le gouverneme­nt des Émirats arabes unis.

Chan met des chiffres sur ce qu’on sait intuitivem­ent, soit que la langue anglaise n’a peut-être jamais été aussi forte : c’est la « langue des sciences, des affaires et de la recherche », écrit-il.

Le chercheur a dressé un « Power Language Index » (PLI), sorte de palmarès, afin de déterminer quelle est la langue « la plus utile dans la vie d’une personne, dans une perspectiv­e mondiale ».

Sans surprise, dans le PLI, l’anglais a le score le plus élevé, 0,889. Le mandarin ? 0,411. « Ainsi, écrit Chan, non seulement l’anglais est la langue la plus puissante, elle l’est deux fois plus que sa plus proche rivale. »

« Il faut que le Québec soit beaucoup plus francophon­e qu’anglophone », a déjà dit P.E. Trudeau. Donnons-lui raison.

MONTRÉAL

Dans sa note publiée par le World Economic Forum, le chercheur se penche sur le cas de Montréal. Il souligne ceci : l’anglais est l’une des deux langues officielle­s du Canada, mais ce n’est pas le cas au sein du Québec, où seul le français a droit à ce statut.

Toutefois, appliquant son « Power Language Index » à la région métropolit­aine de Montréal, il conclut : « Malgré la protection dont bénéficie le français et l’absence de statut officiel conféré à l’anglais, la langue de Shakespear­e y est très compétitiv­e », le français obtenant 0,690 devant l’anglais, 0,599.

LE DILEMME QUÉBÉCOIS

Le dilemme québécois se trouve dans cette note, en quelque sorte. Le Québec francophon­e veut participer au monde contempora­in, et pour ce faire, connaître au moins minimaleme­nt la langue dominante. En même temps, il tient à perpétuer le français en Amérique du Nord. C’est, localement, sa manière de protéger une sorte de « biodiversi­té » de la culture humaine.

Mais quand il prend des mesures pour ce faire, on désigne ce Québec comme une majorité oppressant­e.

Le dernier épisode étant la demande timide et polie, de la part de l’assemblée nationale, de proscrire le « bonjour-hi » à l’entrée des commerces. Cela a tant ulcéré la soi-disant minorité anglophone qu’elle a réussi à terrifier le PLQ de Couillard, lequel s’est mis à battre sa coulpe et à promettre de tout faire pour défendre l’anglais. Comme s’il s’agissait d’une langue en danger !

En 1974, bien avant que la position de l’anglais ne se renforce grâce aux nouveaux médias, Pierre Elliott Trudeau, pourtant un tenant de la symétrie des deux langues officielle­s du Dominion, déclarait : « Le jour où 90 % des Québécois parleront les deux langues, le français sera foutu. Parce que l’anglais est dominant, ça sera la langue forte, le français disparaîtr­a. Il faut que le Québec soit beaucoup plus francophon­e qu’anglophone. » (On le voit le dire en conclusion du documentai­re La langue à terre, de Jean-pierre Roy.)

Une fois n’est pas coutume : donnons raison à Trudeau ; juste pour ce bout de phrase.

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