L’incinérateur pollue plus qu’on pense, dénonce un expert
Selon lui, le ministère de l’environnement minimise les impacts des émissions
Le ministère de l’environnement « manipule l’opinion publique » en minimisant l’impact des émissions polluantes de l’incinérateur sur la qualité de l’air dans Limoilou, dénonce un expert.
Slavko Sebez est détenteur d’une maîtrise en santé communautaire. Il a travaillé pendant 15 ans à la direction de la santé publique et a représenté cette instance pendant 10 ans au sein du comité de vigilance de l’incinérateur. Aujourd’hui retraité, il agit comme expert-conseil en santé environnementale.
Il estime que le ministère de l’environnement « camoufle des choses » et « manque de rigueur scientifique » dans un rapport qu’il a récemment rendu public sur des analyses d’échantillons d’air prélevés dans Limoilou de 2010 à 2012.
Déjà surpris que le travail ait pris six ans à être effectué, M. Sebez a sourcillé quand il a lu la conclusion : « Les concentrations ajoutées par l’incinérateur étaient faibles et n’influençaient pas de façon notable la qualité de l’air ambiant du secteur. »
« ABERRANT »
« Dire que l’incinérateur ne cause pas d’impact sur la qualité de l’air, c’est complètement aberrant », s’est-il insurgé.
M. Sebez rappelle que la Ville de Québec a reçu, au cours des dernières années, plusieurs avis de non-conformité de la part du ministère concernant des dépassements des normes pour le monoxyde de carbone, le mercure, l’arsenic, les dioxines et l’acide chlorhydrique.
« C’est un peu contradictoire que tous ces dépassements de normes de rejet n’entraînent aucun effet sur l’air ambiant, ajoute-t-il.
« Cela veut dire que l’incinération de plus de 300 000 tonnes de déchets annuellement en plein centre-ville n’entraîne aucun effet sur l’air ambiant, et que l’incinérateur est si performant qu’aucune modernisation n’est nécessaire. Est-ce que c’est un incinérateur ou un purificateur d’air ? »
L’expert juge que la méthodologie fait défaut dans le rapport du minis- tère. D’abord, note-t-il, on a surveillé les émissions sur une très courte période de temps.
Ensuite, les deux principaux polluants, les oxydes d’azote et le dioxyde de soufre, n’ont pas été échantillonnés par les stations Beaujeu et Vitré, les plus exposées aux rejets de l’incinérateur.
De plus, ajoute-t-il, les pics de pollution, causés par le redémarrage des fours, ne sont pas pris en considération. À l’époque, il y avait environ 60 redémarrages par an.
ÉQUIPEMENT PAS ASSEZ PERFORMANT
Aujourd’hui, il y a toujours des dépassements des normes à l’incinérateur, ce qui, selon M. Sebez, démontre que l’équipement n’est pas assez performant.
Le maire de Québec, Régis Labeaume, disait lui-même en janvier dernier qu’il était « écoeuré » des rejets de polluants.
Les dioxines sont des polluants organiques persistants, qui restent des décennies dans l’environnement et qui peuvent causer le cancer, indique M. Sebez.
Il n’a pas été possible hier d’obtenir une entrevue avec un responsable du ministère de l’environnement.