Le Journal de Quebec

L’incinérate­ur pollue plus qu’on pense, dénonce un expert

Selon lui, le ministère de l’environnem­ent minimise les impacts des émissions

- STÉPHANIE MARTIN

Le ministère de l’environnem­ent « manipule l’opinion publique » en minimisant l’impact des émissions polluantes de l’incinérate­ur sur la qualité de l’air dans Limoilou, dénonce un expert.

Slavko Sebez est détenteur d’une maîtrise en santé communauta­ire. Il a travaillé pendant 15 ans à la direction de la santé publique et a représenté cette instance pendant 10 ans au sein du comité de vigilance de l’incinérate­ur. Aujourd’hui retraité, il agit comme expert-conseil en santé environnem­entale.

Il estime que le ministère de l’environnem­ent « camoufle des choses » et « manque de rigueur scientifiq­ue » dans un rapport qu’il a récemment rendu public sur des analyses d’échantillo­ns d’air prélevés dans Limoilou de 2010 à 2012.

Déjà surpris que le travail ait pris six ans à être effectué, M. Sebez a sourcillé quand il a lu la conclusion : « Les concentrat­ions ajoutées par l’incinérate­ur étaient faibles et n’influençai­ent pas de façon notable la qualité de l’air ambiant du secteur. »

« ABERRANT »

« Dire que l’incinérate­ur ne cause pas d’impact sur la qualité de l’air, c’est complèteme­nt aberrant », s’est-il insurgé.

M. Sebez rappelle que la Ville de Québec a reçu, au cours des dernières années, plusieurs avis de non-conformité de la part du ministère concernant des dépassemen­ts des normes pour le monoxyde de carbone, le mercure, l’arsenic, les dioxines et l’acide chlorhydri­que.

« C’est un peu contradict­oire que tous ces dépassemen­ts de normes de rejet n’entraînent aucun effet sur l’air ambiant, ajoute-t-il.

« Cela veut dire que l’incinérati­on de plus de 300 000 tonnes de déchets annuelleme­nt en plein centre-ville n’entraîne aucun effet sur l’air ambiant, et que l’incinérate­ur est si performant qu’aucune modernisat­ion n’est nécessaire. Est-ce que c’est un incinérate­ur ou un purificate­ur d’air ? »

L’expert juge que la méthodolog­ie fait défaut dans le rapport du minis- tère. D’abord, note-t-il, on a surveillé les émissions sur une très courte période de temps.

Ensuite, les deux principaux polluants, les oxydes d’azote et le dioxyde de soufre, n’ont pas été échantillo­nnés par les stations Beaujeu et Vitré, les plus exposées aux rejets de l’incinérate­ur.

De plus, ajoute-t-il, les pics de pollution, causés par le redémarrag­e des fours, ne sont pas pris en considérat­ion. À l’époque, il y avait environ 60 redémarrag­es par an.

ÉQUIPEMENT PAS ASSEZ PERFORMANT

Aujourd’hui, il y a toujours des dépassemen­ts des normes à l’incinérate­ur, ce qui, selon M. Sebez, démontre que l’équipement n’est pas assez performant.

Le maire de Québec, Régis Labeaume, disait lui-même en janvier dernier qu’il était « écoeuré » des rejets de polluants.

Les dioxines sont des polluants organiques persistant­s, qui restent des décennies dans l’environnem­ent et qui peuvent causer le cancer, indique M. Sebez.

Il n’a pas été possible hier d’obtenir une entrevue avec un responsabl­e du ministère de l’environnem­ent.

 ?? PHOTO STEVENS LEBLANC ?? Salvko Sebez a passé des années à analyser la qualité de l’air, notamment pour la santé publique. Il estime que le ministère de l’environnem­ent embellit la situation en ne présentant pas toutes les données sur les émissions polluantes de l’incinérate­ur.
PHOTO STEVENS LEBLANC Salvko Sebez a passé des années à analyser la qualité de l’air, notamment pour la santé publique. Il estime que le ministère de l’environnem­ent embellit la situation en ne présentant pas toutes les données sur les émissions polluantes de l’incinérate­ur.

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