Karine Gagnon
Première femme ministre de la Justice au Québec, Linda Goupil a brillé parmi une génération de grands politiciens, dont Lucien Bouchard, Bernard Landry et Pauline Marois. Quinze ans plus tard, sa fougue et son amour du Québec demeurent intacts.
Le hasard a fait en sorte que ma rencontre avec Mme Goupil, prévue depuis des semaines, ait lieu dans les jours ayant suivi le décès de Bernard Landry. C’était l’un de ses mentors en politique, et il lui manquera beaucoup.
Tous deux se sont parlé au cours des dernières semaines. Mme Goupil partait en voyage avec des amies et devait le rappeler à son retour pour fixer leur rendez-vous. Le temps aura malheureusement joué contre eux.
De cet « homme plus grand que nature », « homme de culture » qui était doté d’une capacité de rétention hors du commun, Mme Goupil gardera d’innombrables souvenirs précieux. Elle retient notamment son amour du Québec, son honnêteté et sa grande rigueur.
« C’était un homme impressionnant, passionné et tellement gentil. J’ai beaucoup appris de lui, l’équivalent de plusieurs diplômes universitaires […] Tu ne pouvais pas arriver sans être préparé pour discuter d’un dossier. Avec lui, ça n’aurait pas passé. »
S’il avait à coeur le développement économique, M. Landry n’a par ailleurs jamais perdu de vue que ça devait se faire en lien avec le développement social, relate Mme Goupil, pour qui cet aspect demeure des plus importants.
Le soutien de M. Landry envers le projet de loi pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, premier du genre en Amérique du Nord, s’est d’ailleurs avéré indéfectible. « Ç’a été dur, certains ont prétendu qu’on allait trop loin, mais il a continué de le défendre et on a réussi à obtenir l’unanimité à l’assemblée nationale. »
FRUCTUEUSE CARRIÈRE
Fille de gens d’affaires, née à Saint-léon-de-standon, Linda Goupil savait dès l’âge de 10 ans qu’elle souhaitait devenir avocate. À l’âge de 18 ans, elle a appris qu’elle souffrait d’une tumeur au cerveau, une épreuve qui a certainement contribué à forger sa force de caractère et la passion qui l’a toujours animée.
Députée de Lévis de 1998 à 2003, cette avocate en droit familial très respectée a occupé de nombreuses fonctions ministérielles. Lucien Bouchard lui a permis de devenir, à 37 ans, la première femme ministre de la Justice et Procureure générale du Québec, poste qu’elle a occupé pendant trois ans. Ici, on peut tracer un parallèle avec Geneviève Guilbault, « une femme en qui j’ai confiance ».
Maman de deux jeunes enfants à l’époque, bénéficiant du soutien indispensable de son conjoint de toujours, elle a toujours tenu à garder une journée par semaine qui était consacrée à sa famille, le dimanche. « Au début, des gens n’ont pas apprécié, mais quand je leur expliquais, ils comprenaient. »
En tant que ministre, elle a porté la loi ayant permis la reconnaissance des conjoints de même sexe, et celle qui a mené à l’implantation d’un programme de médiation familiale gratuite au Québec, fruit de 15 ans de démarches et de travail au Québec, rappelle-t-elle.
Mme Goupil a aussi été ministre responsable de la Condition féminine pendant cinq ans, en plus d’être responsable de la région de Chaudière-appalaches, notamment, pour ensuite se voir confier les responsabilités de la Famille et de l’enfance, des Aînés et de la Solidarité sociale dans le cabinet Landry.
DURE DÉFAITE
Puis en 2003, elle a encaissé une dure défaite dans son comté. « Quand je suis partie, j’ai eu de la peine, car je pensais que je pouvais réaliser encore de belles et bonnes choses. J’en fais ailleurs, autrement. Et d’autres ont pris le relais et font de bonnes choses. »
La vie, insiste-t-elle, t’emmène là où tu dois aller. Dans son cas, elle est retournée à la pratique du beau métier qu’elle a toujours adoré, et à