Le Journal de Quebec

La chanson du pays de Bernard Landry

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Hier, les funéraille­s d’état de monsieur Bernard Landry ont commencé non pas par un chant religieux, mais par une chanson de Gilles Vigneault, Les gens de mon pays.

Quelle émotion en entendant, entre les quatre murs de la basilique Notre-dame, résonner ces derniers mots : « Je vous entends demain parler de liberté. »

Je n’étais même pas sur place, je commentais les funéraille­s sur les ondes de Qub.radio, mais j’ai encore des frissons en pensant à la puissance de cette chanson.

S’il y a encore des gens qui doutent du pouvoir des artistes de nous émouvoir, du pouvoir des mots de nous rassembler, du pouvoir de la musique de nous transporte­r, on en a eu une preuve éloquente hier.

QUELQUE CHOSE COMME UNE GRANDE CHANSON

Cette chanson de Vigneault, qui parle du Québec comme d’un « neigeux désert où vous vous entêtez à jeter des villages », devrait être apprise par coeur dans les écoles, elle devrait être enseignée aux néo-québécois.

Et elle représente parfaiteme­nt ce qui a marqué la vie de monsieur Landry, l’amour des Québécois dans leurs forces et leurs faiblesses, « la misère emmaillée au plaisir », le trop court été et l’hiver si long. Bernard Landry aurait pu luimême reprendre les mots de Vigneault à son compte : « Il n’est coin de ma vie à l’abri de vos bruits. »

LE COURS CLASSIQUE

Une chose m’a frappée hier, en écoutant le discours de Lucien Bouchard. Ce compagnon d’armes de monsieur Landry évoquait l’amour des mots, l’amour des lettres, l’amour des auteurs qui avaient animé Bernard Landry.

Monsieur Bouchard a évoqué en vrac Plutarque, Churchill, Papineau ou Clemenceau.

En écoutant monsieur Bouchard se rappeler de joutes oratoires autour d’auteurs de la Rome antique, j’ai eu un pincement au coeur. Ces hommes et ces femmes qui ont connu le cours classique ont quand même tenté d’élever le Québec au lieu de le niveler vers le bas. Ces hommes et ces femmes n’avaient pas honte de lire des livres, de citer des auteurs dans le texte, de vouer un culte à la connaissan­ce, aux phrases bien tournées, aux réparties bien envoyées.

Et si, peu importe nos allégeance­s politiques, on retenait ça de l’héritage de monsieur Landry : respectons-nous en respectant la langue qu’on parle ? Si on faisait le « pacte » de mieux parler, de replonger dans les grands auteurs, de transmettr­e cette culture aux prochaines génération­s ?

ÇA NE VOLE PAS HAUT

C’est un drôle de hasard, mais hier, alors qu’on rendait un dernier hommage à Bernard Landry, on a beaucoup vu circuler sur internet une vidéo tournée par la députée de Québec solidaire Catherine Dorion.

De passage à Bilbao pour le Forum européen, rassemblem­ent des « forces de gauche, vertes et progressis­tes », la députée de Taschereau a filmé des participan­ts qui déclamaien­t des slogans anti-troisième lien (un dossier dont ils semblent tout ignorer). « Le troisième lien c’est d’la marde ! », dit une des participan­tes, lisant un texte écrit par Dorion.

Le « c’est de la marde » de Dorion, à côté des envolées de Vigneault, des paroles inspirante­s de Bouchard, c’était un contraste saisissant.

Et cette femme est une « députée-poète » ?

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