Le Journal de Quebec

Vive l’éducation classique !

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote

Comme l’écrivait récemment dans nos pages Antoine Robitaille, la mort d’un grand homme nous offre non seulement la possibilit­é de lui rendre hommage, mais aussi de rappeler son parcours et de voir où nous en sommes rendus collective­ment.

La mort de Bernard Landry l’a amplement illustré. Qu’avons-nous réussi ? Qu’avons-nous échoué ? Qu’avonsnous oublié en chemin ? Quelle bataille devons-nous reprendre ? Quel héritage devons-nous reconquéri­r ? Quelles pages de notre passé devons-nous revisiter ?

HUMANITÉS

Tous ont noté l’éloquence exceptionn­elle de Bernard Landry, ainsi que sa culture littéraire et historique. Mais ce n’était pas une éloquence tournant à vide. Au-delà de son brio personnel, c’est toute une culture qui parlait à travers lui. Si je puis me permettre, cette éloquence avait une histoire : elle était directemen­t liée à l’histoire du cours classique, cette manière d’éduquer venue du Québec d’hier, larguée au moment de la Révolution tranquille.

On le sait, à moins qu’on ne le sache plus, mais le cours classique a longtemps représenté la principale institutio­n chargée de former nos élites.

Il était centré autour des humanités gréco-latines. C’est-à-dire qu’il les connectait sur le noyau historique, culturel et philosophi­que le plus intime de notre civilisati­on et les familiaris­ait avec les textes éternellem­ent féconds issus de l’antiquité. À travers cela, il leur offrait un socle culturel commun.

Le cours classique valorisait aussi la grande tradition littéraire française, celle de Corneille, de Racine, de Molière. Il nous inscrivait ainsi dans la civilisati­on française, et nous apprenait à la faire nôtre. La France n’était pas, dans cet esprit, que le pays de nos ancêtres, ce qui est déjà beaucoup, mais une part de nous-mêmes.

Aujourd’hui, cette culture est devenue le savoir spécialisé de quelques individus qui semble inaccessib­le au grand nombre.

Il ne s’agit pas aujourd’hui de restaurer ce cours saccagé, mais de retrouver son esprit. Nous avons besoin d’une élite humaniste, qui n’est pas enfermée dans un présent asséché, qui ne se contente pas non plus d’une vision gestionnai­re ou comptable du présent, et qui ne réduit pas la réalité à d’arides colonnes de chiffres.

J’ajouterais que cette culture, sans immuniser complèteme­nt contre le relativism­e, nous protège contre lui. La fréquentat­ion des grandes oeuvres de l’esprit nous modère quand on veut crier au génie devant n’importe quelle niaiserie à la mode.

Elle permet aussi de donner accès aux sentiments humains les plus nobles et de les cultiver.

C’est une vérité malheureus­ement oubliée : plus une société s’engage dans la modernité, plus elle doit s’ancrer dans ses traditions fondamenta­les, sans quoi elle se jette dans le vide.

LANDRY

Nous n’avons pas à renier l’héritage précieux de la Révolution tranquille, qui a porté l’idéal d’une démocratis­ation de l’éducation, aussi valable en luimême que nécessaire dans une société moderne.

Mais nous devons retrouver notre tradition humaniste oubliée, une tradition d’excellence aussi, nous permettant de renouer avec une part négligée de notre identité, une tradition qui nous a donné des hommes comme Bernard Landry.

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L’éducation classique avait des vertus.

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