Armistice, histoire, et obsèques de Landry
Elles furent très longues, ces obsèques que j’ai dû regarder, mardi après-midi, à la télévision. Beaucoup de propos répétitifs, beaucoup de superlatifs dans ces oraisons funèbres en hommage à l’ancien premier ministre Bernard Landry.
En filigrane, heureusement, quelques-uns de ces hommages soulignaient l’importance de l’histoire, si méconnue chez nous.
Celui de Lucien Bouchard fut l’un de ceux-là. « Bernard Landry, a-t-il dit, a été façonné par sa passion de l’histoire. »
Tout aussi féru d’histoire que Landry, Bouchard en a profité pour rappeler le fameux discours de Henri Bourassa au congrès eucharistique de Montréal en 1910. Hélas ! qui connaît, aujourd’hui, ce solennel plaidoyer en faveur de la langue française et des droits des Canadiens français ? J’irais même jusqu’à demander qui connaît Henri Bourassa, dont la ferveur indépendantiste fluctuante fait penser à celle tout aussi fluctuante de Lucien Bouchard...
LA LÉGÈRETÉ DE NOTRE TÉLÉ
Dans ma chronique de mardi, je me suis élevé contre l’alzheimer qui a frappé nos réseaux de télévision le 11 novembre, jour du centenaire de l’armistice. J’ai reçu quantité de courriels depuis. Ils déplorent tous notre ignorance de l’histoire et la légèreté de notre télévision, en particulier celle du réseau français de Radio-canada.
L’affaire n’est pas nouvelle. À la suite de l’inertie de la salle de rédaction de Radio-canada le soir du 1er novembre 1987, c’est Pierre Dufault qui avait dû ouvrir son bulletin de sport de 23 h 06 par l’annonce de la mort subite de René Lévesque. Une demi-heure après Télé-métropole ! Même si Radio-canada avait appris la nouvelle à 22 h 35, on n’avait pas voulu interrompre la diffusion en cours du film Paris, Texas.
Dans les circonstances, faut-il s’étonner que le réseau français de Radio-canada ait accordé si peu d’importance au centenaire de l’armistice ? S’il ne faut pas s’en étonner, il faut s’en indigner. C’est ce qu’ont fait nombre de lecteurs.
LES HÉROS QU’ON OUBLIE
L’un d’eux, Claude Lassailly, de l’école de leadership et de recrues des Forces canadiennes à Saint-jean-sur-richelieu, souligne à quel point nous avons perdu la mémoire de nos héros. Dans l’arrondissement de Verdun, à Montréal, même si un parc porte son nom, rien n’explique qui est George Beurling.
À 20 ans, lorsque dans le ciel de Malte cet aviateur québécois s’échappa de justesse de son Spitfire en flammes, il avait déjà abattu 31 avions allemands. Cet exploit a fait de lui l’un des plus grands pilotes de chasse de la Deuxième Guerre mondiale. Les Montréalais qui fréquentent le parc Beurling n’en savent rien.
Jusqu’en juin 2017, alors qu’on a nommé la petite aérogare de Sherbrooke en son nom, le mitrailleur Gilbert Boulanger, qui prit part à 37 missions de bombardement durant la Deuxième Guerre mondiale, était un parfait inconnu pour ses propres concitoyens. Pourtant, à Courseulles-sur-mer, en Normandie, une école porte son nom depuis des décennies et on connaît son histoire.
Il y a longtemps que la mort de l’une de nos personnalités politiques n’a pas été soulignée comme celle de Bernard Landry. À la télévision, à la radio et dans les journaux, il n’y en avait que pour Bernard Landry. Malheureusement, notre indifférence pour l’histoire est telle que dans une génération ou deux, peut-être moins, Bernard Landry, comme René Lévesque, Robert Bourassa ou Pierre Laporte, ne sera plus qu’une rue, un pont ou un parc.