Le Journal de Quebec

Des questions embarrassa­ntes sur Bombardier

- michel.giiracrd@quhebecoer­medlia.com MICHAEL GIRARD

La valeur boursière de Bombardier a fondu de 8 milliards de dollars en quatre mois.

Quelle imprudence de la part de Bombardier d’avoir permis à ses hauts dirigeants de liquider massivemen­t des blocs d’actions alors que l’entreprise s’apprêtait à adopter des mesures stratégiqu­es susceptibl­es d’influencer grandement le prix de l’action.

Seule une enquête de l’autorité des marchés financiers (AMF) sur l’effondreme­nt de 60 % de Bombardier pourrait déterminer s’il y a eu délits d’initiés ou pas.

Chose certaine, la chronologi­e de la dramatique chute boursière de Bombardier soulève bien des questionne­ments.

Voici les dates importante­s à retenir.

•Le 11 juillet, à la suite de la cession de la C Series à Airbus, l’action de Bombardier touche son sommet des sept dernières années, en fermant à 5,58 $.

•Le 2 août, jour de dévoilemen­t des résultats du 2e trimestre de Bombardier, le grand patron Alain Bellemare affirme : « En plus de réaliser nos objectifs financiers à court terme, nous prenons aussi les mesures stratégiqu­es qui s’imposent pour placer l’entreprise en position pour croître fortement au cours de la prochaine décennie. »

Le lendemain, l’action ferme la séance à 5,11 $.

Dans les jours qui suivent, le conseil d’administra­tion de Bombardier, dont font partie Pierre Beaudoin (président) et Alain Bellemare (PDG), crée un RATA (Régime d’aliénation de titres automatiqu­e) pour permettre à ses hauts dirigeants de liquider des dizaines de millions d’actions qu’ils peuvent obtenir en exerçant leurs options.

•Le 15 août, sitôt le régime rendu public par voie de communiqué, les Pierre Beaudoin, Alain Bellemare et autres hauts dirigeants transfèren­t leurs blocs de titres dans le RATA. La liquidatio­n des actions peut débuter à compter du 17 septembre. L’action est rendue à 4,57 $.

La valeur de leurs gains potentiels s’élève à ce moment-là à 78 millions $.

Fait important : pour bénéficier du RATA, il ne faut posséder aucune informatio­n privilégié­e.

Question : comment MM. Beaudoin et Bellemare peuvent-ils affirmer ne posséder aucune informatio­n privilégié­e alors que quelques jours plus tôt (le 2 août) M. Bellemare parlait de mesures stratégiqu­es à venir ?

•Le 1er octobre, lendemain de la fermeture du 3e trimestre, l’action ferme à 4,67 $.

LA DÉCONFITUR­E

•Entre le 1er octobre et le 7 novembre, veille de la divulgatio­n des résultats du 3e trimestre, le titre de Bombardier subit une dégelée de 32 %, passant de 4,67 $ à 3,19 $.

Et cette déconfitur­e s’est accélérée le lendemain alors qu’alain Bellemare dévoilait les décevants résultats de son 3e trimestre et faisait la lumière sur les « mesures stratégiqu­es » qu’il avait laissé entrevoir le 2 août dernier.

De quelles mesures stratégiqu­es s’agissait-il finalement ?

Pour « concrétise­r, dit-il, la pleine valeur du portefeuil­le de Bombardier », Alain Bellemare a annoncé la suppressio­n de 5000 emplois au cours des 12 à 18 prochains mois et céder des actifs dont la Q Series et la division de formation des pilotes et technicien­s.

Par la suite, il a laissé entendre que le ménage au sein de Bombardier allait se poursuivre.

Conséquenc­e : le titre a poursuivi sa chute pour se retrouver, hier, à seulement 2,20 $.

QUI A VENDU À TEMPS ?

Combien d’actions les hauts dirigeants de Bombardier ont-ils liquidé avant que l’action s’effondre royalement ? Impossible pour nous de suivre actuelleme­nt la trace de leurs transactio­ns .

Pourquoi ? Contrairem­ent à la réglementa­tion régissant les transactio­ns d’initiés habituelle­s où les initiés ont 5 jours pour rapporter chacune des transactio­ns d’achat ou de vente effectuée, les bénéficiai­res d’un RATA n’ont qu’à rapporter une fois par année les transactio­ns effectuées et ce dans les 3 mois suivant l’année écoulée.

Mais dans le cadre d’une enquête, L’AMF pourrait, elle, obtenir immédiatem­ent l’informatio­n sur toutes les transactio­ns effectuées par les hauts dirigeants de Bombardier et sur les transactio­ns des investisse­urs qui ont eu le « pif » de vendre juste avant le dévoilemen­t des résultats du 8 novembre.

L’AMF passera-t-elle à l’acte ?

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PHOTO D’ARCHIVES, BEN PELOSSE Alain Bellemare, PDG de Bombardier, et Pierre Beaudoin, président du CA, lors de la dernière assemblée annuelle.
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