Le Journal de Quebec

D’où vient mon obsession, pensez-vous ?

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Je suis une femme de 48 ans au passé difficile. J’ai vécu dans une famille de trois enfants avec un père alcoolique et une mère névrosée et sujette à la dépression. Quand il était en boisson, notre père faisait des colères épiques. Ni les murs ni les meubles de la maison n’étaient épargnés, et, si notre mère ou nous étions sur son passage, il « vargeait » sans se soucier des conséquenc­es. Résultat, on avait développé un art consommé pour disparaîtr­e de son chemin quand il arrivait saoul à la maison.

Tous les trois, on a vite quitté la maison familiale dès qu’on a pu. Pour ma part je suis partie à 18 ans, aussitôt après avoir décroché mon premier emploi. Ma soeur et mon frère ont emprunté le chemin du crime vers 16-17 ans et n’en sont plus jamais ressortis. On ne se voit plus, pas plus qu’ils ne fréquenten­t nos parents.

Pour ma part, je suis quand même restée proche de mes parents. Je me suis toujours sentie responsabl­e de ma mère, et, même si j’avais développé une peur panique de mon père, je me suis toujours fait un devoir de lui venir en aide au besoin. J’ai épousé un alcoolique violent comme mon père, avec qui je suis restée dix ans, le temps de faire deux enfants et de trouver la force de le quitter.

Mon père est aujourd’hui paralysé à la suite de deux AVC, et ma mère est toujours à ses côtés, ayant pris le relais dans l’art de lever le coude pour parvenir à endurer la fin de sa vie. J’en arrive à mon obsession. Comme le disait une certaine chanteuse acadienne « Moi j’mange ! » Bon an mal an, mon poids tourne autour des 250 livres. Faim, pas faim, je mange.

Je pensais jadis que la peur de mon père me faisait manger. Puis ce fut celle de mon mari. Mais je ne suis plus avec mon mari depuis 18 ans et je mange encore. J’ai beau faire des régimes et perdre du poids, je le reprends toujours. Et je n’ai même pas l’excuse de dire que, quand on cuisine pour les enfants, on est porté à manger, car les miens ne vivent même plus avec moi depuis plusieurs années. Pensez-vous que j’ai hérité cette tare de mon père en transposan­t sur la nourriture son obsession de la boisson ? J’aimerais tellement être enfin bien dans ma peau et mon corps ! J’ai tellement peur de me lamenter sur mon sort que je n’ose plus demander de l’aide. Colette

Avec vos antécédent­s familiaux, plusieurs raisons peuvent être à l’origine de votre compulsion à manger. Et qui pourrait vous accuser de vous lamenter sur votre sort alors que rien ne vous fut épargné ? Au lieu de vous acharner à faire des régimes qui ne règlent pas le fond du problème, pourquoi ne pas vous offrir une psychothér­apie ? Cette plongée en vous-même, qui risque d’être laborieuse, je l’avoue, aura au moins le mérite de vous libérer de tout ce que vous avez enfoui et refoulé au plus profond de vous, et que seule la nourriture vient apaiser. C’est, je crois, un cadeau que vous méritez amplement et que vous devriez vous faire.

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