Le Journal de Quebec

Des ministères bombardés d’attaques informatiq­ues

Les données des Québécois dans les ministères et organismes sont très à risque

- NICOLAS LACHANCE Bureau d’enquête

Cyberattaq­ue internatio­nale, demande de rançons, vulnérabil­ités, violation de confidenti­alité : les menaces informatiq­ues explosent dans les ministères et organismes du Québec, et plusieurs d’entre eux veulent garder le phénomène secret.

Entre mars et octobre 2018, soit en pleines campagnes pré-électorale et électorale, le ministère du Conseil exécutif a bloqué plus de 6842 intrusions malveillan­tes. L’année précédente, à pareille date, seulement 1402 tentatives avaient été détectées.

Notre Bureau d’enquête a récemment demandé à tous les ministères, organismes et sociétés d’état de dresser un portrait des cyberattaq­ues réussies ou stoppées lors des quatre dernières années. Ainsi, il a été possible d’observer une forte croissance des tentatives d’intrusion informatiq­ue. D’autres ont toutefois choisi de garder secrètes les informatio­ns (voir autre texte).

« MENACE RÉELLE »

« Les besoins sont criants. La menace est réelle, elle est là et elle augmente », a analysé Steve Waterhouse, expert en cybercrimi­nalité.

Plusieurs ministères et organismes ont transmis les rapports d’incidents détaillés, révélant les menaces qui affectent le réseau public (voir encadrés).

M. Waterhouse a eu accès à plusieurs des rapports obtenus par notre Bureau d’enquête. Il a remarqué que tous les ministères travaillai­ent en silos et traitaient les attaques informatiq­ues de façon différente.

« Le Centre de services partagés du Québec devait permettre les économies d’échelles, mais aussi la consolidat­ion de l’informatio­n, dit-il. Les recommanda­tions du Conseil du trésor ne sont pas appliquées. » Pourtant, il existe une équipe de réponse aux incidents de sécurité de l’informatio­n de l’administra­tion québécoise, rappelle M. Waterhouse.

RENSEIGNEM­ENTS PERSONNELS

Les experts indiquent que la numérisati­on des dossiers personnels des Québécois augmente la fragilité de la confidenti­alité, surtout si Québec ne met pas l’accent sur les bonnes pratiques en matière de sécurité.

« Avant, un médecin pouvait perdre le dossier d’un patient en rentrant chez lui, mais aujourd’hui, il peut perdre sa clé USB avec les 3000 copies de dossiers de ses patients », illustre la spécialist­e en architectu­re de sécurité Chantale Pineault.

« On le voit avec Facebook et Microsoft, ce n’est pas quelque chose qui ira en diminuant. Ce sont des entreprise­s privées et ils engagent les meilleurs. Alors, imaginez la moustiquai­re que nous avons ici, plaide-t-elle. Le numérique nous expose 100 fois plus qu’à l’époque du papier. »

Cette dernière est très critique envers les politiques gouverneme­ntales en matière de sécurité de l’informatio­n. « Dans tous les ministères, le nombre d’impacts a augmenté et nos données personnell­es sont mises en péril, s’inquiète-t-elle. Ce sont nos renseignem­ents personnels et notre vie privée. »

Elle mentionne que des centaines d’attaques informatiq­ues qui ébranlent l’état québécois proviennen­t de l’extérieur du pays, principale­ment de la Russie et de la Chine.

« Ce qui arrive de l’externe, ce sont des attaques organisées. C’est du crime organisé », souligne-t-elle.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada