Le Journal de Quebec

Doug Ford est un sous-trump à la sauce canadian

- JOSÉE LEGAULT e Blogueuse au Journal josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique

Doug Ford est ce qu’il est. Le premier ministre de l’ontario est un populiste de droite. Un inculte fier de l’être. Un indécrotta­ble affairiste. Un unilingue anglophone sans le moindre intérêt pour la langue de Gabrielle Roy. Bref, du sous-trump à la sauce canadian. Considéran­t le personnage, comment s’étonner de son dernier diktat ?

Prétextant des compressio­ns budgétaire­s, il trucide le projet d’une première université francophon­e en Ontario. Pour les Franco-ontariens, le coup est brutal. Il ordonne aussi la fermeture du Commissari­at aux services en français et son transfert au Bureau de l’ombudsman.

Pour Doug Ford, la francophob­ie rencontre ici son intérêt partisan. Le tout, livré dans une stratégie évidente de polarisati­on dite de wedge politics. Une polarisati­on qui se décline sur deux axes : anglo-franco et libérale-conservatr­ice. Cette crise, il l’a manufactur­ée volontaire­ment. Son objectif est triple. 1) Montrer à la Ford Nation, sa base électorale, qu’il est maintenant le vrai boss.

2) Le faire en s’en prenant aux communauté­s franco-ontarienne­s dont le poids démographi­que d’à peine 4 % ne cesse de diminuer depuis des décennies. Il en rajoute même. À ses yeux, les Franco-ontariens ne sont plus qu’une minorité parmi d’autres.

3) Forcer les premiers ministres du Canada et du Québec à constater leur propre impuissanc­e à pouvoir le faire reculer. Justin Trudeau s’est dit « déçu » tout en sachant qu’il ne peut rien changer. Alors, que fait-il ? Il joue la carte partisane.

À moins d’un an de l’élection fédérale, M. Trudeau s’en prend durement aux conservate­urs d’un océan à l’autre qu’il accuse, non sans raison, d’intoléranc­e.

En visite hier chez Doug Ford, François Legault a bien tenté d’exprimer son opposition. Il savait toutefois, comme M. Trudeau, qu’il lui est impossible de stopper son homologue ontarien. Bienvenue au Canada. Sur le fond des choses, l’affront fait aux Franco-ontariens est abject, mais sans surprise. La francophob­ie n’a rien de nouveau au pays.

N’empêche que cette crise est aussi une illustrati­on de plus de la réalité suivante. Depuis la défaite référendai­re serrée du Oui en 1995, au-delà d’être un bel aquarium de votes à prendre pour les partis fédéraux, le Québec n’est plus un joueur majeur de la fédération.

AQUARIUM DE VOTES

Le rapport de forces entre le Québec et le reste du Canada s’est gravement affaibli. Cette régression politique est le fruit combiné de l’intransige­ance fédérale, de l’aplaventri­sme du PLQ face à Ottawa et du déclin continu du PQ et de la « menace séparatist­e ».

Par effet d’entraîneme­nt, les francophon­es hors Québec, aussi courageux soient-ils, ont écopé plus durement encore. Minoritair­es, leur pouvoir politique s’étiolant d’autant plus. Au Québec, où les francophon­es sont majoritair­es, se montrer solidaires des Franco-ontariens est certes un devoir.

Le vrai problème n’en disparaît pas pour autant. Dans le Canada post-1995, la thèse des « deux peuples fondateurs » n’est plus qu’une relique du passé enfouie au plus profond de la mémoire des francophon­es de plus de 50 ans.

Pendant ce temps, contrairem­ent au sort des francophon­es hors Québec, les Anglo-québécois, comme il se doit, jouissent d’une panoplie complète d’institutio­ns et de droits. Leur langue continue même ici de concurrenc­er le français comme langue d’intégratio­n des immigrants.

De Westmount à Vancouver, les crises d’apoplexie ont pourtant fusé pour une simple motion de l’assemblée nationale sur le « Bonjour- Hi ! » Mais sur le sort des Franco-ontariens ? Les bruits de criquets dominent. Comme quoi, loin de souffler sur les « braises de l’intoléranc­e », les francophon­es sont plutôt ceux qui la subissent.

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JOSÉE LEGAULT
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PHOTO AGENCE QMI, DOMINIC CHAN
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Au Québec, où les francophon­es sont majoritair­es, se montrer solidaires des Franco-ontariens est un devoir.

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