Sévérité exigée contre un chauffard
Une des trois victimes est confinée à un état végétatif permanent à la suite d’une grave collision en Montérégie
Un chauffard qui a brisé la vie de trois jeunes et leurs familles en roulant à près de trois fois la limite de vitesse permise devrait purger une peine de prison exemplaire de quatre ans même si personne n’est décédé, a réclamé la Couronne hier.
« J’ai l’impression que mon fils est mort, et je ne peux pas faire mon deuil, car Kevin était un être tellement plein de vie et d’amour. Il n’est plus qu’un être vivant dépourvu d’émotion. »
C’est en ces mots que Stéphane Gratton a décrit dans une lettre au tribunal l’état végétatif de son garçon Kevin, âgé de 25 ans et confiné à un CHSLD pour le reste de ses jours.
Hier, le ministère public a réclamé une peine « sévère, mais non anormale » de quatre ans d’incarcération pour Philip Hargrave, 29 ans, responsable d’une grave collision survenue le 26 septembre 2015, en Montérégie.
Il a été reconnu coupable de conduite dangereuse et de négligence criminelle causant des lésions à M. Gratton et deux de ses amis en octobre dernier.
TRÈS HAUTE VITESSE
À plus de 130 km/h dans une zone limitée à 50, il avait percuté une camionnette avant de démolir la Toyota Echo conduite par la victime principale à l’intersection des routes 340 et 201 à Saint-clet.
« Je ne l’entendrai plus dire : “je t’aime maman”, car il me le disait tous les jours », a aussi écrit Linda Bercier, la mère du jeune quadriplégique, à la juge Marie-chantal Doucet.
Sa lettre a causé beaucoup d’émotions dans la salle du palais de justice de Salaberry-de-valleyfield où se déroulait l’audience.
Le chauffard avait consommé de la marijuana quelques heures avant l’accident et des champignons magiques dans les jours précédents, mais les rapports toxicologiques n’ont pas fait état de présence significative de substances pour altérer sa conduite.
Il avait présenté une défense de non-responsabilité criminelle pour troubles mentaux, des arguments rejetés par la juge.
« Je vous demande de considérer la situation exceptionnelle de Kevin Gratton dans ce dossier. Car il est mort, sans être mort », a plaidé Patrick Cardinal pour la poursuite.
Pour la première fois depuis le début des procédures, Hargrave, menotté et la barbe longue, s’est adressé à la famille des victimes pour s’excuser.
DES REGRETS
« Je ne pourrai jamais changer ce qui s’est passé ce jour-là, a-t-il lu depuis le banc des accusés. Je ne pourrai jamais soulager les corps, les coeurs et les esprits de ceux qui ont été impliqués et de leurs proches. »
Son avocat, Robert Polinicky, a demandé que la juge ne s’éloigne pas de la « fourchette » de peines prononcées pour des actes similaires, et a recommandé entre 24 et 30 mois d’emprisonnement.
« Le temps en prison l’a amené à réfléchir sur ses actes et à vouloir s’adresser à la famille, a-t-il expliqué. Il n’y a aucune raison pour que la sentence varie des barèmes établis, même quand quelqu’un décède. »
Il a aussi fait valoir que son client était jeune, sans antécédent judiciaire au moment des faits et qu’il n’avait pas les capacités affaiblies. Hargrave avait bénéficié d’une remise en liberté durant les procédures, mais est incarcéré depuis le début 2018.
La juge Marie-chantal Doucet prononcera la sentence le 15 janvier.