Le droit et la sexualité
Il faut d’abord l’écrire noir sur blanc. La vérité historique et la vérité juridique sont deux réalités différentes. Ainsi, la présomption d’innocence ne signifie pas qu’un accusé n’est pas coupable de ses actes.
Ce qui choque tant de gens, c’est que sans preuve suffisante en droit, une personne ne peut être condamnée. Mais elle ne peut pas non plus affirmer qu’elle n’est pas coupable de ce dont on l’accuse. Il faut qu’un juge du haut du banc le trouve coupable.
Et ce n’est pas par réflexe de classe que le juge est au-dessus de l’assemblée à la cour. C’est simplement pour symboliser qu’en tant que dépositaire de la justice, il est au-dessus des parties.
L’affaire Gilbert Rozon, où celui-ci ne sera mis en accusation que sur une seule des quelque 14 dénonciations pour agression sexuelle, met encore une fois en lumière le défi apparemment insurmontable de la loi lorsqu’il s’agit de codifier la complexité, voire le mystère de la sexualité humaine.
JUSTICE
Les victimes d’agression sexuelle semblent incapables de trouver justice devant les tribunaux dans nombre de cas. C’est la raison pour laquelle tant de femmes sexuellement agressées refusent de rendre publics les outrages dont elles auraient été la cible. Et comment les blâmer devant les rejets des tribunaux à procéder ? Et surtout lorsqu’il y a procès, devant des décisions des juges qui les accablent en blanchissant leur agresseur.
Ne doit-on pas aller plus loin et s’interroger sur la nature même des gestes sexuels ? D’abord, comment en arriver raisonnablement à débusquer la notion même de consentement ? La sexualité d’une personne est un mystère dont on ne soupçonne guère les contradictions, les ambiguïtés et les ambivalences.
Devant l’échec — dans le cas qui implique Gilbert Rozon, c’est l’impossibilité de procéder selon les règles du droit, comme c’est le cas d’ailleurs aux États-unis dans l’affaire Harvey Weinstein —, il faut chercher une nouvelle manière d’aborder le problème.
TRAUMATISME
Étant donné que toutes les procédures sont vécues par les victimes mises à mal par des avocats de la défense, souvent plus pitbulls les uns que les autres, comme un traumatisme psychologique supplémentaire et insurmontable, à quoi sert alors le procès ?
Autrement dit, n’est-il pas sage que le système judiciaire rejette préalablement les accusations qui s’avèrent irrecevables en droit ? C’est du moins une façon de protéger la victime. Est-il nécessaire aussi que dans tous les cas de figure, la justice soit rendue uniquement par une peine carcérale ?
La société a énormément évolué depuis le supposé droit de cuissage du mâle. Le jugement moral et social entache la réputation d’un agresseur sexuel, obligé par ailleurs en droit civil à payer cher au propre et au figuré ses comportements odieux. N’est-ce pas aussi une façon de l’« emprisonner », pour le reste de sa vie, dans le regard des autres ?
Il serait inqualifiable d’inciter les victimes à se taire. Mais comment transformer le système judiciaire conçu par des humains imparfaits et démunis devant les offenses sexuelles ? Où donc est la solution ? Le droit, décidément, nous renvoie à ces douloureuses questions.