Antoine Robitaille
Dans nos pages, on promet un « choc des idées ». De celui-ci jaillit la lumière, comme chacun le sait.
Or, mon sympathique collègue et partenaire de coqueron (c’est ainsi que nous qualifions le « studio » de QUB radio à Québec), Jonathan Trudeau, m’a donné le goût du choc cette semaine !
Traitant de la péréquation, du fait que le Québec allait en recevoir quelque 13 milliards de $, il a qualifié notre État de « BS de luxe », de « Bougon ».
Comble de l’ingratitude, quand les autres « se tournent vers nous pour nous demander de l’aide », nous prenons l’argent et les envoyons promener.
RÉFÉRENDUM DE KENNEY
Mon collègue tient le même discours que de nombreux Albertains. Dont le chef du United Conservative Party de cette province, Jason Kenney, qui a fait la promesse de tenir un référendum afin de renégocier les conditions de la péréquation.
Puisqu’il est grandement en avance dans les intentions de vote et qu’il délogera probablement la néo-démocrate Rachel Notley le printemps prochain, M. Kenney pourrait réaliser sa promesse dès 2019.
Ça promet pour les débats au sein du Dominion. Ceux-ci pourraient prendre une tournure constitutionnelle, puisque la péréquation, pratiquée depuis longtemps, a été consacrée dans la loi des lois lors du coup de force de Pierre Elliott Trudeau de 1982.
À l’article 36, on peut lire : « Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l’engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables. »
CIMENT
Voilà un élément à souligner à l’ami « Jo » (et non Ju) Trudeau. La péréquation fait partie de « l’entente » de base de cette fédération. On l’a même déjà désignée comme un « ciment » de celle-ci.
On le voit bien dans l’article 36 : ce n’est pas l’alberta et les autres pro- vinces qui font un « chèque au Québec », mais le gouvernement fédéral. Bref, ce sont les contribuables de partout dans le Dominion qui paient pour la cagnotte de la péréquation.
Y compris ceux du Québec. Comme dans le fromage, il y a donc « un petit peu de nous autres » dans le montant que l’on reçoit.
Tout cela était bien expliqué dans un fascicule du ministère des Finances du Québec (MFQ) en annexe au budget 2011-2012. La péréquation, pouvait-on lire, a pour objectif de « réduire les écarts de capacité fiscale entre les provinces ».
L’alberta, par exemple, a une capacité fiscale plus grande que le Québec. En plus, elle ne l’utilise pas totalement : des impôts bas, pas de taxe de vente.
« Si elle décidait d’appliquer le taux de taxation moyen des dix provinces, elle obtiendrait des revenus substantiels », pouvait-on lire dans le fascicule du MFQ. Et en 2018, elle n’aurait pas de déficit.
Le Québec, lui, a choisi d’utiliser beaucoup plus sa capacité fiscale — au demeurant plus faible — et de se payer des programmes sociaux généreux.
AIDER
Mais je reviens à l’affirmation de mon collègue chroniqueur. Il faudrait « aider » nos partenaires provinciaux qui sont dans une mauvaise passe. Ne fait-on pas déjà un peu notre part en acceptant sans trop rechigner qu’une partie de nos impôts servent à Justin Trudeau pour acheter un oléoduc ?
Faudrait-il en plus réclamer la renaissance du projet Énergie Est, un projet que Transcanada a rejeté pour des raisons économiques ?
Au reste, lorsque le marché des hydrocarbures allait bien, dopait le dollar canadien (il est passé de 2002 à 2011 de 0,64 $ US à 1,01 $ US), cela avait un effet important sur l’économie d’ici, fondée sur l’exportation.
Et à l’époque, les provinces de l’ouest ont en plus obtenu que dans l’évaluation de la « capacité fiscale » moyenne, on ne tienne compte que de 50 % des revenus provenant des ressources naturelles. Ce n’est pas un peu Bougon, ça ?