Le Journal de Quebec

Publier la liste des conducteur­s en état d’ébriété pour les dissuader ?

La Sûreté du Québec étudie la possibilit­é de prendre exemple sur les policiers de l’ontario

- JONATHAN TREMBLAY

La Sûreté du Québec étudie la possibilit­é d’imiter les services policiers ontariens, qui publient les noms des conducteur­s intercepté­s en état d’ébriété comme outil de dissuasion pour contrer le fléau de l’alcool au volant.

« On est à y réfléchir et à faire des consultati­ons, notamment au plan juridique. Il y a plusieurs enjeux dont il faut tenir compte. On vérifie ce qu’il est possible de faire ici en étudiant ce qui se fait ailleurs au pays », dit l’inspecteur Guy Lapointe.

« L’objectif, si on le fait, sera la prévention. On ne voudrait pas une approche de Name to Shame. »

Au début du mois, les policiers de York et de South Simcoe ont emboîté le pas à d’autres services du sud de l’ontario, qui diffusent sur internet l’identité des automobili­stes arrêtés avec les facultés affaiblies.

« C’est clair qu’il faut que ça change », a dit le chef de police de York, Eric Jolliffe, disant ne plus pouvoir se contenter de campagnes de prévention.

Certains corps policiers ontariens diffusent les noms de tous les conducteur­s accusés, d’autres seulement de ceux qui ont causé une collision ou qui sont des récidivist­es de l’alcool au volant.

PAS LES VILLES

Si la SQ dit étudier la chose, les corps policiers municipaux contactés assurent ne pas songer à prendre exemple sur l’ontario. Que ce soit à Montréal, Québec, Laval ou Longueuil, on rejette d’emblée l’idée de publier les identités des automobili­stes pris en défaut.

« On publie des noms dans le cadre d’enquêtes où il faut localiser des suspects ou des victimes. On a plusieurs conditions à respecter, explique Emmanuel Anglade, de la police de Montréal. Notre objectif n’est pas de porter préjudice aux gens. »

À la police de Longueuil, on préfère mettre l’accent sur la prévention et la sensibilis­ation.

Sans en faire un cheval de bataille, l’organisme Mother Against Drunk Driving (MADD) n’est pas contre nommer les contrevena­nts.

« Si la mesure aide à dissuader quelqu’un à prendre le volant par peur d’être embarrassé, la mesure en vaut la peine », avance Marie-claude Morin, porte-parole de MADD.

TROP FRILEUX

Me Mark Bantey et le sénateur Pierre-hugues Boisvenu croient toutefois que le Québec est « un peu frileux » quand il est question de vie privée.

Selon l’avocat expert en droit des médias, la non-divulgatio­n de l’identité est une ligne directrice respectée par les forces policières qui ne relève pas d’un ordre juridique. « Il s’agit d’informatio­ns publiques », soutient-il.

L’avocat criminalis­te Michel Dorval considère néanmoins que le « public shaming » n’a jamais rapporté.

« Je trouve ça stupide. C’est une stig- matisation dont on n’a pas besoin ».

« J’ai de la difficulté à croire que ça dissuadera­it », estime aussi Thierry Rassam, président de SOS Ticket.

« Je ne suis pas certain que ce soit respectueu­x de la présomptio­n d’innocence », ajoute Hubert Sacy, directeur général d’éduc’alcool.

« Je ne serais pas enthousias­te qu’on applique cette méthode ici, à moins qu’on en prouve l’efficacité avec des données, ajoute-t-il. Là, on pourrait avoir un débat. »

À cet effet, la police du Grand Sudbury, qui publie depuis plus de cinq ans les noms des contrevena­nts, reconnaît que cela n’a pas eu l’effet escompté.

« On espérait que ça dissuade les gens, mais les chiffres demeurent stables, indique Kaitlyn Dunn, porte-parole de ce service. On ne peut pas dire que ç’a eu un impact direct. »

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Lors de la période des Fêtes, l’an dernier, les policiers de la province ont intercepté plus d’un millier d’automobili­stes pour conduite avec les capacités affaiblies par l’alcool ou la drogue. On a récidivé en 2018, comme cette opération qui s’est déroulée à Longueuil le mois passé.
PHOTO D’ARCHIVES Lors de la période des Fêtes, l’an dernier, les policiers de la province ont intercepté plus d’un millier d’automobili­stes pour conduite avec les capacités affaiblies par l’alcool ou la drogue. On a récidivé en 2018, comme cette opération qui s’est déroulée à Longueuil le mois passé.
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GUY LAPOINTE Inspecteur

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