Le Journal de Quebec

L’état devra se priver de millions en suramendes

L’argent allait à l’aide aux victimes d’actes criminels

- MICHAËL NGUYEN ET SARAH BÉLISLE

La décision de la Cour suprême hier de déclarer inconstitu­tionnelles les suramendes obligatoir­es imposées aux contrevena­nts pourrait coûter des millions de dollars à l’état, puisqu’une demande d’action collective a déjà été déposée.

« Cela concerne probableme­nt des centaines de milliers de personnes, nous estimons de façon conservatr­ice que les montants se chiffrent à plusieurs millions », peut-on lire dans un document de cour déposé hier par les avocats Joey Zukran et Bernard Levy-soussan.

Plus tôt dans la journée, le plus haut tribunal du Canada rendait un arrêt invalidant un article du Code criminel imposant la suramende compensato­ire à toute personne coupable d’un crime, en plus de la sentence.

Elle était de 30 % de l’amende infligée, ou encore de 100 $ ou 200 $ pour chaque chef d’accusation.

Or, selon la Cour suprême, il s’agit là d’une peine « cruelle et inusitée », puisque de nombreux condamnés sont pauvres et marginalis­és, en plus d’avoir des problèmes de dépendance et de santé mentale.

Un des cas qu’elle a dû examiner concer- nait d’ailleurs un sans-abri montréalai­s, défendu par l’aide juridique, qui devait payer 1400 $ de suramende malgré un maigre revenu annuel de 4800 $.

OBLIGATOIR­E

« Lorsque ces personnes sont dans l’incapacité de payer la suramende compensato­ire, celle-ci devient véritablem­ent une peine d’une durée indétermin­ée », peut-on lire dans la décision.

La suramende existe depuis 1988, mais les juges avaient la discrétion de l’imposer ou pas. En 2013, elle est devenue obligatoir­e, peu importe la capacité de payer d’un condamné.

L’argent allait normalemen­t au Fonds d’aide aux victimes d’actes criminels.

Pour la juge retraitée Nicole Gibeault, c’est une décision qui « était de mise dans les circonstan­ces ».

Ceux qui ont reçu une suramende, mais qui ne l’ont toujours pas payée, peuvent saisir la cour pour qu’elle soit annulée.

Ottawa pourrait aussi décider d’agir pour les annuler, de son propre chef, puisque le tribunal ne tranche pas la question.

Quant à ceux qui l’avaient déjà payée, leur seul recours est la demande d’autorisati­on d’action collective déposée hier, qui réclame aussi des dommages punitifs et moraux.

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