Le Journal de Quebec

Le bonheur a la vie dure

- LISE RAVARY lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

Quand les gens me demandent « ça va ? », je réponds souvent « condamnée au bonheur ! ». Il semble que ma situation n’a rien d’unique puisque j’appartiens au groupe le plus heureux au Québec, les femmes francophon­es en couple, selon l’indice du bonheur Léger.

Je me le fais peut-être accroire, puisqu’après avoir répondu au sondage, mon Indice campe sous la moyenne québécoise. Qu’importe, cette moyenne, excellente comparée à la France ou aux É.-U., atteint presque le nuage rose où logent des pays comme la Finlande, la Norvège et le Danemark.

DANS LES ÉGOUTS

Le Canada arrive septième. Avec un score de 74,2 sur 100, le Québec se situe entre le Canada et le Danemark. Pas mal, non ? Et pourtant, quand je circule dans les pipelines poisseux de la sinistrose que sont les réseaux sociaux, je croise rarement des gens heureux et fiers de l’être. « Je suis malheureux, donc je suis. » Malheureux ou en colère, frustré, déçu, floué, mal dans sa peau, au fond du baril ou un tantinet tristounet. Mais rarement bien.

Trop heureux pour vos forces ? Autrefois, on lisait du Baudelaire. Aujourd’hui, Facebook et Twitter s’occupent de nous enfoncer dans le spleen.

Et si les choses vont encore trop bien, juste à inventer un complot. En France, pour ajouter du « piquant » à l’attaque terroriste à Strasbourg, des gilets jaunes auraient laissé courir le bruit que l’attaque a été planifiée et exécutée par le gouverneme­nt pour détourner l’attention de la crise sociale actuelle.

Mêmes sottises que la participat­ion américaine et israélienn­e aux attentats du 11 septembre 2001.

Si vous croyez que des gouverneme­nts d’états de droit – pas la Chine, la Russie ou l’arabie saoudite – orchestren­t la mort de leurs citoyens pour améliorer leur destinée électorale, vous méritez toute l’angoisse que cela vous inflige.

Je suis heureuse. Très heureuse. Mon mari et moi sommes très amoureux. J’ai deux filles adultes, et un beau-fils, dont je suis très fière. Je fais un métier qui me passionne. J’ai réalisé mon rêve de vivre à la campagne. J’ai peu d’amies – m’isoler fait partie de mes failles –, mais elles sont au coeur de ma vie.

Nous pourrions tous être plus minces et plus riches, mais je n’échangerai jamais mon bonheur pour des kilos en moins ou de l’argent en plus.

Et pourtant, la vie ne m’a fait aucun cadeau. J’ai trébuché souvent. « Burnout », dépendance­s, maladie bipolaire, dépression, j’ai goûté à tout au buffet des échecs. Comment alors expliquer que le bonheur me colle à la peau ?

LE SECRET

Voici la moitié de mon secret. Un jour, dans une fraternité anonyme, j’ai reçu un enseigneme­nt qui a changé ma vie. « Si tu n’es pas heureuse, fais semblant et ça viendra. » Ça marche. Nous avons plus de contrôle sur notre bonheur, un état de résilience, que nous ne le pensons. Une fois ancré dans des valeurs solides, notre bonheur résistera à des ouragans de tristesse et à des tsunamis de découragem­ent. L’autre moitié du secret ? « À condition de ne pas en faire une obsession. »

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