RÉPERCUSSIONS SOCIALES DES RADIOS-POUBELLES
Sous le couvert d’une intrigue policière bien ficelée — comme il sait le faire —, le romancier Jean-jacques Pelletier propose une analyse féroce des répercussions sociales des radios-poubelles et de la manipulation des masses par les médias dans son nouve
L’auteur a mis en scène le kidnapping de Sébastien Cabot, l’animateur vedette d’une chaîne de radio « qui dit la vraie vérité au vrai monde », Radio-v. Les ravisseurs font partie d’un groupe mystérieux, le Front de libération des victimes. Et ils exigent non seulement une importante rançon, mais aussi la fermeture définitive de Radio-v.
« FRUSTRATION ET PERTINENCE »
L’inspecteur Gonzague Théberge – rencontré dans la série des Gestionnaires de l’apocalypse – est responsable de l’enquête. Il ne tarde pas à ajouter à son équipe une spécialiste en informatique qui surveille depuis plusieurs mois les fans irréductibles de Cabot, les « V ».
« Il y a deux mots pour lesquels j’ai fait ce roman : frustration et pertinence », nomme-t-il, en entrevue. Frustration, parce que ce texte avait d’abord été écrit il y a 10-12 ans, sous forme de nouvelle, punchée et rapide à lire, mais qui ne lui permettait pas d’aller au bout de ses idées.
Deuxième mot : pertinence. « À l’époque, tout le monde était sûr que je parlais uniquement des radios de Québec et que c’était une plaquette contre les radios de Québec », dit-il en précisant qu’il y en avait d’autres, comme Gilles Proulx, à Montréal, et Howard Stern, aux États-unis.
« C’était un phénomène qui était montant. Avec le temps, je me suis rendu compte que c’était un phénomène beaucoup plus important qu’on aurait pu le croire, et qui a migré vers les réseaux sociaux où, avec la rapidité des échanges, ç’a acquis une force complètement phénoménale. C’est même devenu un enjeu majeur pour des choses comme les élections. Maintenant, il n’y a plus de discussions : on cogne sur les adversaires. »
Un autre point qui l’intéresse de plus en plus, c’est la tentation que tout un chacun décide de prendre la justice dans ses mains, et les ravages que ça peut causer. « Quand on a l’impression qu’il n’y a pas de justice, que les institutions ne font pas leur travail... cela m’intéressait beaucoup. »
EXTRAITS ENTENDUS
Dans Radio-vérité, on retrouve de nombreux extraits de propos diffusés dans le poste de radio fictif qu’il a créé. L’auteur a glissé des extraits qu’il avait entendus dans les postes de radio-poubelle et qu’il a retravaillés. « J’en ai mis d’autres sur d’autres thèmes aussi, pour montrer qu’aujourd’hui, ces radios-là s’en prennent beaucoup moins à des individus, ils s’en prennent beaucoup plus à des catégories de gens. C’est une excellente façon d’éviter les poursuites. »
« S’en prendre à des gens, c’est maintenant sur les réseaux sociaux qu’on trouve ça : les campagnes anti-untel ou unetelle, les campagnes anti-campagnes. Probablement que le phénomène le plus connu, c’est Trump », dit-il.
« Qu’est-ce qui arrive quand les gens ne croient plus à la vérité et qu’ils croient juste à l’argumentation ? Et que l’argumentation se réduit, souvent, soit à l’affirmation de ses points de vue, soit à des insultes pour ceux qui ne les partagent pas. »
Sébastien Cabot, l’animateur-vedette de Radio-v qu’il a imaginé, dit des abominations, qui contiennent beaucoup d’éléments de vérité, note l’auteur. « Je trouve ça intéressant d’avoir un personnage d’animateur plus nuancé. C’est trop facile de dire “ah, c’est des gros imbéciles qui parlent épais”. C’est vraiment trop facile. Oui, peut-être qu’ils disent des choses qui sont imbéciles, qu’ils parlent de façon grossière à certains moments, mais ça ne veut pas dire qu’ils ne comprennent pas certaines des choses qui se passent. »