Sommes-nous protégés contre l’intelligence artificielle ?
Politologue, consultante internationale et conférencière
L’intelligence artificielle est en marche depuis les années 1950. Elle façonne, chaque jour, notre monde et nos façons de vivre, souvent à notre insu.
S’il est vrai qu’historiquement, les technologies ont fait faire d’énormes progrès aux humains, avec l’intelligence artificielle, l’enjeu est tout autre.
Les machines (intelligentes) ne se limitent pas seulement à libérer les humains de leurs corvées quotidiennes, mais vont carrément jusqu’à les remplacer.
DES MACHINES À PENSER
Grâce aux mégadonnées (les Big data) et à la sophistication des algorithmes, l’intelligence artificielle a désormais la capacité d’agir à la place des humains, et ce, dans tous les domaines.
D’où l’immense potentiel économique, politique et social qu’elle offre et qui ne va pas sans susciter de grandes inquiétudes.
Déjà, en décembre 2014, l’astrophysicien Stephen Hawking nous avait avertis, dans un entretien à la BBC : « Le développement d’une intelligence artificielle complète pourrait sonner le glas de la race humaine. »
Il n’est pas le seul à se préoccuper de l’impact des « machines à penser », qui, à son avis, menaceraient l’existence même des humains.
Encore, le 20 février dernier, 26 experts de l’intelligence artificielle de plusieurs universités et D’ONG avaient publié un rapport alarmant décrivant les menaces que fait peser l’intelligence artificielle sur notre sécurité.
Intitulé L’utilisation malveillante de l’intelligence artificielle : prévisions, prévention et réduction du risque, le rapport décrit la progression vertigineuse de cette technologie et en évalue les risques.
S’il est vrai qu’elle apporte beaucoup à notre qualité de vie et à notre bien-être, ce sont surtout ses dérives que les experts ont cherché à cerner à travers des menaces qui nous guettent sur trois plans : numérique, physique et politique.
Au plan numérique, on ne compte plus le nombre de cyberattaques et de vols d’identité. C’est en voie de devenir une banalité.
La sécurité physique nous renvoie au déploiement des armes automatiques et aux attaques de drones, un risque réel quand l’intelligence artificielle est au service des États voyous et des terroristes.
L’enjeu de la sécurité politique est encore plus préoccupant parce qu’il est au coeur de la sauvegarde de notre démocratie. Or, la prolifération de la surveillance et de l’invasion de la vie privée et le lot de propagande ciblée et de manipulation de l’opinion publique ne sont plus à démontrer.
URGENCE D’AGIR
Autant d’enjeux qui se manifestent déjà avec acuité, ici et dans le monde.
Qu’on pense au scandale de Facebook-cambridge Analytica, à la vidéosurveillance, en Chine, qui reconnaît les individus à leur démarche, à l’ingérence de la Russie dans l’élection américaine ou au Canada, au coeur d’une controverse impliquant Huawei, un géant chinois des télécommunications soupçonné d’espionnage.
Même le Directeur général des élections a sonné l’alarme, il y a une dizaine de jours, constatant l’urgence d’agir pour protéger les données personnelles de millions de Québécois, mises à risque par les compilations de données par les partis politiques.
Alors, que font nos gouvernements et nos Parlements pour contrôler ces risques ? À en juger par la bienveillance du premier ministre, Justin Trudeau, à l’égard des géants du web, on est loin d’un véritable sursaut de leadership.
Les citoyens peuvent faire une différence, mais il faut investir dans leur éducation et dans leur sensibilisation. Une responsabilité qui incombe au gouvernement du Québec. À charge pour lui de relever le défi numérique.