2018 : l’année « ferme ta gueule »
En fin de semaine, la première de la pièce Kanata, de Robert Lepage, a finalement eu lieu à Paris. Cette controverse est pour moi le symbole de tous les dérapages de 2018.
Un créateur s’est fait dire qu’il n’avait pas le droit d’écrire la pièce qu’il voulait et de la faire jouer par les comédiens qu’il voulait.
Il y a en a qui s’inquiètent pour le réchauffement climatique. Moi, je m’inquiète pour le refroidissement du climat culturel.
2018, C’EST…
- l’année où il a fallu expliquer que ce n’était pas raciste pour une femme blanche qui avait passé des années à s’intéresser aux chants des esclaves de monter un spectacle sur les chants d’esclaves ;
- l’année où on a appris qu’au cégep Maisonneuve, des profs « passent sous silence des oeuvres traitant de sexualité, de nudité ou de maladie mentale par crainte de déclencher une controverse explosive » ;
- l’année où Luc Dionne ( District 31) s’est fait dire que c’était très vilain de montrer un musulman violent ou une femme séropositive avec un comportement dangereux ;
- l’année où des parents fragiles ont appelé au boycottage du film pour enfants Pierre Lapin, parce qu’on y voyait un lapin lancer des mûres à un homme qui y était allergique. Ces parents hystériques ont parlé d’intimidation alimentaire, d’incitation à la violence, d’appel au meurtre ;
- l’année où le Musée des beaux-arts de l’ontario (AGO) a effacé le titre d’un tableau d’emily Carr, car il contenait le mot « indien » ;
- l’année où le Musée des beaux-arts de Montréal a dénaturé une exposition sur le lien entre Picasso et l’art africain en y apposant des oeuvres dénonçant le colonialisme, oeuvres qui n’arrivaient pas à la cheville du plus grand génie du XXE siècle ;
- l’année où Louis-jean Cormier, qui avait osé émettre des réserves quant à la parité homme-femme dans la musique, s’est tellement fait tomber sur la tomate qu’il s’est excusé… d’avoir dit ce qu’il pensait !
Et toutes les petites donneuses de leçon castratrices ont souligné à quel point c’était important qu’il retrouve le droit chemin et fasse ce qu’elles ont appelé son « mea culpa » ;
- l’année où Scarlett Johansson, qui n’est pas transgenre, s’est fait dire qu’elle ne pouvait pas incarner une personne transgenre au cinéma.
ANNUS HORRIBILIS
2018, c’est l’année où Catherine Deneuve s’est fait tomber sur la tomate pour avoir signé une lettre dénonçant les dérapages de #metoo. Quand elle a précisé sa pensée, elle a écrit : « J’ai signé ce texte pour une raison qui, à mes yeux, est essentielle : le danger des nettoyages dans les arts. […] Ce climat de censure me laisse sans voix et inquiète pour l’avenir de nos sociétés. »
À mon émission à Qub.radio, Normand Brathwaite a déclaré : « Je commence à avoir peur d’une société qui dit qu’on n’a plus le droit de faire de blagues, qu’on n’a plus le droit de faire de spectacles. »
Bref, 2018 aura été l’année des culs serrés qui mettent des oeuvres à l’index, l’année où la liberté créatrice a été brimée par des valeurs de morale, de politique.
Quand les artistes vont-ils écrire un pacte (et le signer) pour mettre à la porte ces « nouveaux curés » ?