Se faire dire non
Il a déjà été plus aisé de dire non au Québec, doit-on murmurer à Ottawa.
Vous allez me répondre que dans la dernière semaine seulement, le gouvernement de Justin Trudeau a offert deux fins de non-recevoir assez sèches au gouvernement Legault.
Oui, en effet, sur le rapport d’impôt unique, Justin Trudeau, a — dans son sabir unique — formulé un « non » : « Nous ne sommes pas alignés avec le gouvernement du Québec sur l’idée d’un rapport unique provincial ».
Au sujet du projet de loi 9 de Simon Jolin-barrette, déposé jeudi, portant sur l’immigration, le ministre fédéral des Affaires intergouvernementales Dominic Leblanc a répondu : « Nous ne sommes pas favorables à la réintroduction de la résidence permanente conditionnelle ».
Je vous entends me rétorquer : « Ben alors… plutôt facile de dire non ! »
NOUVELLE DONNE
Peut-être, mais en même temps, la donne a réellement changé le 1er octobre. Depuis le référendum de 1995, nous étions plongés dans un marais.
Les fédéralistes québécois n’osaient plus rien réclamer afin d’améliorer le statut politique du Québec. De peur de faire le jeu des souverainistes, ils ont carrément oublié ce Dominion renouvelé dont ils ont rêvé.
Jean Charest a bien fait croire à certains « gains » en matière d’asymétrie. Il a aussi cru nécessaire en 2008 d’exiger le rapatriement de la culture. Mais disons — pour être poli — qu’il a manqué de conviction.
Les souverainistes, eux, rêvaient d’une resucée des années Meech-charlottetown (1987 à 1992) : négociations constitutionnelles… crise… échec retentissant… psychodrame… sentiment de rejet… référendum… oui gagnant ! Mais cette séquence ne revenait jamais vraiment en raison précisément de l’abandon, par les fédéralistes québécois, de toute revendication.
Seuls le scandale des commandites et la commission Gomerey, par lequel les manigances sournoises du camp du non de 1995 furent démontrées et décortiquées, auront donné un certain regain au souverainisme. De façon bien temporaire.
TERRA INCOGNITA
Or, il y a du nouveau sous le soleil : le gouvernement à Québec est nationaliste et non souverainiste.
François Legault peut, par exemple, avertir les chefs de partis fédéraux qu’il pourrait y avoir un « prix politique » à rejeter d’emblée les demandes du gouvernement, voire de l’assemblée nationale du Québec (dans le cas de la déclaration d’impôt).
De plus, personne ne sait comment, devant une cascade de « non » prove- nant du Dominion, il réagira. Comme le souverainiste qu’il fut ou comme le fédéraliste nationaliste qu’il affirme être devenu ? L’arrivée d’un gouvernement de la CAQ représente donc une terra incognita. Dans le doute, on s’abstient… de dire « non », semble être le pari des conservateurs d’andrew Sheer. Remarquez, peut-être qu’en bout de course, les « non » de Trudeau n’auront pas vraiment d’effet défavorable pour le Québec. Il s’en tirera alors peut-être sans une égratignure, comme lorsqu’en juin 2017 il adressa un « non » hautain à Philippe Couillard et JeanMarc Fournier. Ces derniers venaient de publier leur souriante Politique d’affirmation du Québec intitulée « Québécois, notre façon d’être Canadiens ». Sur un ton à la Pierre Elliott, Justin avait lancé : « Vous connaissez mon opinion sur la Constitution, on n’ouvre pas la Constitution. » Il n’avait même pas pris la peine de s’arrêter devant les médias, à qui il avait pratiquement avoué n’avoir pas lu la prose des Couillard-fournier.
RAPPORT DE FORCE
Dans la nouvelle donne, on peut toutefois voir que le Québec détient un rapport de force qu’il n’a pas eu depuis très longtemps.
Celui-ci sera plus solide avant l’élection du 21 octobre. Par la suite, il serait surtout maintenu sous un gouvernement conservateur. Mais à peu près nul si le PLC reste au pouvoir.
Auquel cas on se demande bien comment la CAQ manoeuvrera pour réaliser plusieurs pans de son programme : par l’effondrement ou l’affrontement ?
C’est peut-être là l’énigme principale de cette nouvelle donne.