Le Journal de Quebec

Lanceurs d’alerte et sens critique

- e Blogueur MARIO DUMONT au Journal Économiste, animateur et chroniqueu­r

Après des épisodes à craindre la corruption dans la gestion des affaires publiques, nous sommes devenus très enclins à embrasser spontanéme­nt tout lanceur d’alerte. Qui de mieux qu’un employé de l’état au coeur d’un processus d’octroi de contrat pour sonner une cloche ? Et si les patrons de l’employé ne réagissent pas, une alerte aux médias devient l’ultime recours.

Le cas d’un fonctionna­ire du ministère de l’agricultur­e fait la manchette depuis une semaine. Disons-le, l’affaire a été mal gérée politiquem­ent par la CAQ. Cette décision a été prise en ce qui concerne la fonction publique et n’aurait jamais dû éclabousse­r le gouverneme­nt.

DÉBUTANT

Sauf qu’un ministre débutant a mal compris son rôle, s’est mal exprimé et a dû remballer ses propos. Puis, en essayant de le défendre, le premier ministre a failli se mettre sa fonction publique à dos. La CAQ s’est compliqué la vie avec un dossier sorti du champ gauche.

Tout le monde semble néanmoins avoir perdu de vue l’enjeu sur le fond. Tous les journalist­es ont accepté l’appellatio­n « lanceur d’alerte » pour parler de ce fonctionna­ire du ministère de l’agricultur­e. De là, on semble présumer que le renvoi de l’agronome est non justifié, une vengeance contre un héros qui a voulu sauver notre santé.

DANGER

La situation n’est pas si simple. Imaginons qu’au ministère de la Santé, un fonctionna­ire se mette à lire sur les théories de complot et devienne un militant anti-vaccins. Ce fonctionna­ire fournit à un journalist­e intéressé des portions de rapports, des analyses internes incomplète­s ou des courriels ayant circulé à l’interne. Tout cela pris hors contexte.

Un journalist­e se présente devant le public avec un reportage-choc ! Des documents internes, des courriels, démontrant l’inefficaci­té ou des risques associés aux vaccins. On pourrait vite causer une panique dans la population et alimenter une foule de théories du complot. Cette perception serait renforcée par l’idée qu’un courageux lanceur d’alerte ait donné accès à ces informatio­ns.

Un geste aussi irresponsa­ble et malhonnête d’un fonctionna­ire pourrait à la limite avoir un impact sur la santé publique. Dans ce cas issu de mon imaginatio­n, toutes les personnes responsabl­es reconnaîtr­aient que ce fonctionna­ire a agi à l’encontre de l’intérêt public. On conclurait aussi qu’il a trahi son employeur, le ministère de la Santé.

Je ne dis pas que le parallèle est parfait. Nous ne connaisson­s pas les détails précis du congédieme­nt de ce fonctionna­ire. Je veux simplement mettre en lumière qu’il faut être prudent avant d’attribuer à un fonctionna­ire le titre de héros lanceur d’alerte. Je veux faire réfléchir aux dangers de présumer instantané­ment que le fonctionna­ire qui lance une alerte est du côté du public pendant que son ministère travaille contre le public.

Je me permets de dire que le danger d’un dérapage est encore plus grand dans un dossier comme l’agricultur­e. Le journalism­e, généraleme­nt urbain, part avec une opinion négative à l’endroit du monde agricole. Un complot contre la santé du public est une bien bonne histoire…

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André Lamontagne Doit-on croire sur parole un fonctionna­ire qui largue son employeur pour devenir « lanceur d’alerte » ?
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