Un voleur qui a été battu par sa victime sera indemnisé
Un voleur qui a été tabassé par un commerçant à qui il venait de dérober une chaîne en or doit être considéré comme une victime et être indemnisé par les fonds publics, a tranché un tribunal administratif.
« [Le voleur] a été incapable de se défendre, et même en s’éloignant des lieux de l’attaque le propriétaire l’a poursuivi et a continué à le frapper », déplore la juge administrative Hélène Gouin, dans sa récente décision ordonnant à l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) de délier les cordons de la bourse pour le cambrioleur.
L’affaire s’était déroulée en mai 2015, dans le commerce d’un prêteur sur gages de Montréal dont le nom n’est pas indiqué dans le jugement. Ce jour-là, le voleur, identifié par les initiales M.C., avait d’abord tenté de s’emparer d’une chaîne acoustique.
BAGARRE
« Le propriétaire l’en empêche et il s’ensuit une altercation au cours de laquelle [le voleur] frappe le propriétaire et lui prend une chaîne en or », peut-on lire dans la décision.
Fort de son butin évalué à 3000 $, M.C. prend la fuite en vélo. Mécontent d’avoir été frappé et volé, le propriétaire a appelé le 911, puis est parti en chasse pour retrouver le malfaiteur.
M.C. a ainsi été rattrapé un peu plus d’un kilomètre plus loin, pour subir une raclée en règle, qui a duré « plusieurs minutes », selon le récit d’un témoin de la scène.
Ce sont finalement les policiers qui ont sauvé le voleur avant de l’accuser d’agression armée. Mais celui-ci n’a pas voulu en rester là, et a porté plainte contre le propriétaire qui a finalement lui aussi été accusé de voies de fait causant des lésions.
FAUTE LOURDE
Blessé, le pillard a tenté d’obtenir des indemnisations en tant que victime d’acte criminel. Il a d’abord essuyé un refus, car selon la loi, une victime ne peut être indemnisée si elle a contribué à ses blessures « par sa faute lourde ».
Mécontent de ce refus, M.C. a porté en appel cette décision. Et si les tribunaux administratifs font l’objet de critiques pour leur lenteur ou leur refus d’indemniser certaines victimes, le criminel, lui, n’a pas eu de mal à obtenir gain de cause.
Car selon la juge administrative Gouin, le passage à tabac est un événement complètement à part du vol que M.C. venait de commettre.
« Le propriétaire de la boutique n’avait aucune raison de poursuivre le requérant en automobile, il avait téléphoné aux policiers et ceux-ci faisaient leur travail », a-t-elle écrit dans sa décision.
Elle déclare ainsi M.C. victime d’acte criminel, ce qui pourrait lui permettre de se faire payer des frais dentaires et médicaux, et même une rente s’il réussit à prouver que les blessures l’empêchent de travailler.
Le Procureur général du Québec, qui contestait la demande du truand, a fait savoir qu’il portera cette décision en appel.