Le Journal de Quebec

Ils implorent Québec de valoriser le soutien à domicile

Les handicapés ne veulent pas finir dans des CHSLD qui ne sont pas adaptés à eux

- AMÉLIE ST-YVES

TROIS-RIVIÈRES | Le salaire offert par Québec pour l’aide à domicile est si bas que des handicapés ont recours à des campagnes de financemen­t pour demeurer chez eux et éviter de finir dans un CHSLD.

Alain Gaudet, 46 ans et lourdement handicapé, se bat depuis des années pour éviter le Centre d’hébergemen­t de soins de longue durée (CHSLD). Il implore Québec d’offrir plus que 12,53 $ de l’heure pour son maintien à domicile.

Le Trifluvien, qui souffre d’amyotrophi­e spinale de type 3, une maladie dégénérati­ve caractéris­ée par la faiblesse musculaire, est parvenu au fil des ans à transforme­r son appartemen­t de Trois-rivières en petite entreprise.

Il engage des employés pour s’occuper de lui. Il a besoin d’environ 75 000 $ par année pour vivre décemment. Le gouverneme­nt lui donne 30 000 $ en chèques emploi-services, et il coordonne des campagnes de financemen­t pour amasser la balance, soit 45 000 $.

Reste que le 30 000 $ de Québec est comptabili­sé pour couvrir 47 heures de services (sur les 119 heures de soutien dont il a besoin) par semaine. Ça repré- sente donc un salaire horaire de 12,53 $ pour les employés, un taux qui varie cependant d’un établissem­ent de santé à un autre.

Ce montant est trop bas, selon l’homme qui ne parvient qu’à parler, cligner les paupières et bouger deux doigts.

Il est affecté par la pénurie de maind’oeuvre et voit mal comment il peut attirer des préposés aux bénéficiai­res avec une telle rémunérati­on. Le 1er mai prochain, cela ne représente­ra que 3 ¢ de plus que le salaire minimum.

L’AVENIR, C’EST LA MAISON

« Ça fait des années qu’on dit que le soutien à domicile, c’est l’avenir. Il y a des économies à la société, une qualité de vie beaucoup plus grande, mais les bottines ne suivent pas les babines », explique-t-il.

La CAQ a promis d’investir 200 M$ par année dans les soins à domicile lors de la dernière campagne électorale, et Alain Gaudet souhaite qu’elle tienne parole.

S’il était soigné en CHSLD et qu’il payait 20 % de la note, soit la contributi­on moyenne payée par les bénéficiai­res, il en coûterait près de 70 000 $ par année au gouverneme­nt, soit plus du double, selon des données gouverneme­ntales.

Il y a encore une douzaine de personnes qui travaillen­t pour lui, mais il a du mal à remplir ses horaires et ne reçoit presque pas de CV. Quatre fois depuis le début de l’année il a dû lancer un appel à tous sur Facebook pour que quelqu’un vienne l’aider, car il n’y avait personne.

APPEL À L’AIDE

Francis Boulet, un homme de 41 ans de Drummondvi­lle atteint de paralysie cérébrale, vit la même situation. Il peine aussi à engager des gens fiables à cause, selon lui, du salaire trop bas de 12,53 $.

« Ce n’est pas assez. Il faudrait au moins 15 $ de l’heure. Ces gens-là donnent des soins », a-t-il indiqué.

Il lui est arrivé deux fois dans la dernière année de recevoir un texto à 3 h du matin pour l’aviser que la personne ne rentrait pas le matin. Il parvient heureuseme­nt à se sortir du lit, aller à la salle de bain, et grignoter légèrement par lui-même. Ça l’inquiète quand même, car il ne peut pas manger un repas complet seul et doit attendre que la prochaine personne se présente, une dizaine d’heures plus tard.

Exaspéré, il a lancé une campagne de sociofinan­cement pour avoir un accompagne­ment décent.

L’attaché de la ministre de la Santé Danielle Mccann, Alexandre Lahaie, a indiqué au Journal que le cabinet était « très sensible » à la situation.

« ÇA VEUT DIRE QUE, LE 1er MAI PROCHAIN, LE POMPISTE VA GAGNER AUTANT QUE LA PERSONNE QUI M’ESSUIE LES FESSES. » – Alain Gaudet

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, AMÉLIE ST-YVES Alain Gaudet reçoit de l’eau de son employée Monique Martel, qui vient le sortir du lit les matins, chez lui, à Trois-rivières.

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