C’est le temps de s’unir
La condamnation à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 2059 du responsable de l’attaque de la mosquée de Québec est une nouvelle étape pour trouver une certaine sérénité face à ce drame.
La justice a fait diligence — aidée par la reconnaissance de sa culpabilité par l’accusé — et le juge a présenté une décision touffue et savante. Justice a été rendue.
AMITIÉ, COMPASSION, SOLIDARITÉ
Certes, aucun jugement ne pouvait ramener les vies perdues et effacer les blessures physiques et psychologiques avec lesquelles composeront pour toujours les survivants de la tuerie. On comprend le désarroi de la communauté musulmane de Québec, qui aurait voulu que la sentence la plus sévère, soit la prison ferme pour 150 ans, soit appliquée.
Mais n’est-ce pas ce que souhaitent toutes les personnes qui sont affectées par un crime odieux ? Le cumul des peines, un concept nouveau en droit canadien, est encore d’application incertaine en jurisprudence, le jugement d’hier le montre bien.
Rappelons également que le coupable aura 67 ans s’il sort un jour de prison. Il n’aura pas vu le monde, n’aura pas fondé une famille, ne se sera pas épanoui professionnellement, n’aura pas accumulé un patrimoine et devra pour toujours respecter des conditions. Il est de facto prisonnier de ses crimes jusqu’à sa mort. Et c’est très bien qu’il en soit ainsi.
Dire ceci n’efface pas la douleur des proches, toutefois. Partant de là, nous ne pouvons que continuer à leur témoigner notre amitié, notre compassion et notre solidarité.
SE CONSOLER, S’UNIR
Nous avons besoin de guérir collectivement de cette tragédie, également parce qu’en l’état actuel des choses, la discussion publique qui la concerne est tout sauf sereine.
Pour certaines gens, le simple fait de reconnaître que cette tuerie nous affecte tous constitue un aveu de culpabilité par association. Comme s’il existait des socié- tés décentes ou la mort violente de six pères de famille serait vue comme autre chose qu’un deuil collectif.
Si le drame a pu avoir quelque chose de bon, c’est de nous faire mieux connaître la communauté arabo-musulmane de Québec et de lui dire qu’elle est des nôtres. Malheureusement, il génère aussi des propos dégoûtants.
Ainsi, il n’est pas rare d’entendre que les fidèles de la mosquée l’ont bien cherché. Qu’on n’en aura pas fait autant pour les victimes de la Polytechnique ou pour les morts québécois au Burkina Faso, ce qui est faux. Certains font circuler des théories complotistes pour retirer son caractère haineux à l’attaque, comme la participation d’un deuxième tireur ou un aspect passionnel dans les motivations du tueur. D’autres voient même en lui un prisonnier politique.
Ces paroles ne sont pas à la hauteur de la société que nous voulons former, celle qui se croit moralement supérieure aux théocraties où l’état de droit ne règne pas. Nous devons être plus résolus à les rejeter.
De même, il faut inviter à la modération ceux qui récupèrent la tragédie pour justifier les opinions qu’ils avaient déjà avant qu’elle ne survienne. Ils nuisent plus qu’ils aident.
Oui, il est temps. Il est temps de panser nos plaies. Temps d’arriver à parler de ce drame inique de façon sereine et compatissante. Temps de se consoler et de s’unir plutôt que de se quereller et se diviser.
C’est ainsi que nous deviendrons une société meilleure et que les idées malveillantes qui ont motivé le coupable seront les mieux combattues.