Le Journal de Quebec

Arrêt des procédures contre un ex-cadre

L’ancien vice-président était accusé d’entrave à la justice et d’extorsion

- JEAN-FRANÇOIS CLOUTIER

Un ancien patron de Snc-lavalin soupçonné d’avoir versé des millions de dollars en pots-de-vin en Libye a été partiellem­ent blanchi hier en raison des délais déraisonna­bles de la justice.

L’ancien vice-président de l a firme d’ingénierie Sami Bebawi et son avocat montréalai­s, Constantin­e Kyres, ont vu des accusation­s d’entrave à la justice et d’extorsion portées contre eux en 2014 être écartées par un juge de la Cour supérieure.

On reprochait à Bebawi et son avocat d’avoir tenté de corrompre un autre ex-patron de Snc-lavalin, Riadh Ben Aïssa, qui collaborai­t avec la police lors d’une enquête de la Gendarmeri­e royale du Canada (GRC) sur la compagnie.

En 2013, Kyres se serait rendu en Suisse, pour le compte de Bebawi, afin d’offrir à Ben Aïssa 10 M$ pour qu’il change sa version des faits et exonère Bebawi d’avoir touché des pots-de-vin, selon les allégation­s de la poursuite.

Le juge Guy Cournoyer a eu des mots très durs hier envers le travail des procureurs de la poursuite.

« Malgré les secousses tellurique­s occasionné­es dans le système judiciaire par l’arrêt Jordan, le dossier des accusés paraît avoir été abandonné comme un navire sans capitaine qui dérive lentement, mais inexorable­ment vers un récif », a-t-il dit.

« INCONCEVAB­LE »

Selon le magistrat, « si on tient compte de la gravité de l’infraction en cause, [...] une telle situation apparaît inconcevab­le et inexplicab­le ».

Le juge Cournoyer a souligné que les accusés ont été inculpés dans ce dossier en septembre 2014. Il a fallu deux ans avant la simple tenue d’une enquête préliminai­re.

« Après l’arrêt Jordan [en 2016], le dossier demeure dans l’oubli pendant plus de 11 mois », souligne-t-il.

Pourtant, selon le juge, la preuve à présenter n’avait ici rien de complexe.

Un des avocats de Kyres, Frank Pappas, s’est dit satisfait. Il a mentionné qu’un premier arrêt des procédures avait déjà été prononcé dans ce dossier l’an dernier par un juge de la Cour du Québec.

« On avait déjà gagné », a-t-il dit. Le juge avait alors estimé que la GRC avait recueilli de la preuve illégaleme­nt.

La poursuite avait alors réagi l’an dernier en déposant un acte d’accusation directe, une procédure rare. Mais c’était « trop peu, trop tard », selon le juge.

« Ils sont revenus avec l’arme nucléaire [l’accusation directe] contre mes clients. [...] C’est la stratégie de la Couronne qui a coulé le bateau », a commenté Me Pappas.

TOUJOURS ACCUSÉ

Malgré cette victoire, Bebawi fait toujours l’objet d’accusation­s reliées à Snc-lavalin dans un dossier parallèle où il est notamment accusé de fraude et de corruption d’un agent public étranger en Libye.

L’entreprise elle-même est également accusée de corruption. L’ex-ministre fédérale de la Justice et des Anciens Combattant­s Jody Wilson-raybould a démissionn­é, plus tôt cette semaine, après des allégation­s voulant qu’elle ait fait l’objet de pressions de la part du cabinet du premier ministre Justin Trudeau, pour que la justice canadienne soit clémente envers Snc-lavalin ( voirautret­exteenpage­8).

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, MARTIN ALARIE ?? Un ancien patron de la firme Snc-lavalin Sami Bebawi avait demandé l’arrêt des procédures dans son dossier de fraude au palais de justice de Montréal, le vendredi 16 mars 2018. Hier, il a obtenu gain de cause, mais demeure accusé dans un autre dossier.
PHOTO D’ARCHIVES, MARTIN ALARIE Un ancien patron de la firme Snc-lavalin Sami Bebawi avait demandé l’arrêt des procédures dans son dossier de fraude au palais de justice de Montréal, le vendredi 16 mars 2018. Hier, il a obtenu gain de cause, mais demeure accusé dans un autre dossier.

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