Le Journal de Quebec

Le Canada n’a toujours pas récupéré un sou

Ottawa a envoyé une poignée d’avis de cotisation trois ans après le scandale des Panamapape­rs

- CHRISTOPHE­R NARDI

OTTAWA | Trois ans après le scandale des Panamapape­rs, seulement 12 des 900 Canadiens ou entreprise­s canadienne­s identifiés dans les paradis fiscaux ont été sommés de remettre de l’argent au fédéral.

L’agence du revenu du Canada (ARC) a confirmé à notre Bureau d’enquête avoir réclamé 9,1 millions $ en impôts impayés et pénalités à ces 12 entités qu’elle accuse d’avoir caché de l’argent dans un paradis fiscal en date du 30 novembre dernier.

Les contribuab­les concernés peuvent toujours contester cette réclamatio­n devant les tribunaux, donc rien ne dit que les sommes seront effectivem­ent récupérées.

En comparaiso­n, d’autres pays comme l’espagne, l’australie et l’équateur avaient non seulement réclamé, mais aussi récu- péré des dizaines de millions de dollars au 1er janvier 2018 ( voir ci-dessus), selon une compilatio­n du Consortium internatio­nal des journalist­es d’investigat­ion (CIJI).

« C’est vraiment juste la pointe de l’iceberg à laquelle l’agence s’est attaquée à date. Il y a clairement un besoin de la part du gouverneme­nt Trudeau d’en faire plus, même s’ils ont déjà investi plus d’argent dans la lutte à l’évasion fiscale », s’étonne Toby Sanger, directeur exécutif de l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable.

« J’étais surpris et déçu quand vous m’avez fait le bilan du travail de L’ARC », a-t-il ajouté en entrevue.

900 PARTICULIE­RS ET SOCIÉTÉS

Publiés en avril 2016 par le CIJI, les Panama Papers étaient le résultat de la fuite de 11,5 millions de documents du cabinet panaméen Mossack Fonseca.

L’ARC dit y avoir identifié au moins 724 particulie­rs, 135 sociétés et 35 fidu- cies canadienne­s dans les Panamapape­rs en date du 30 novembre, selon un document déposé à la Chambre des communes la semaine dernière.

Après analyse, le fisc a décidé de faire des audits auprès d’au moins 197 de ces particulie­rs et 38 de ces sociétés. C’est à partir de là que les 12 avis de cotisation ont été envoyés. Ces chiffres pourraient augmenter avec le temps, ajoute l’organisme fédéral.

À ce nombre s’ajoutent « moins de 10 » enquêtes criminelle­s, mais aucune accusation n’a été déposée à ce jour.

« Les vérificati­ons de ces arrangemen­ts fiscaux complexes à l’étranger sont longues et nécessiten­t beaucoup d’efforts, compte tenu des renseignem­ents et des documents requis pour confirmer l’inobservat­ion fiscale possible », explique un porte-parole de L’ARC.

« Le fait d’être nommé dans des listes telles que les Panamapape­rs n’implique pas automatiqu­ement que le contribuab­le a commis un évitement fiscal agressif et/ ou une fraude fiscale. Il n’est pas illégal d’avoir des comptes ou des fiducies à l’étranger aussi longtemps que le revenu est déclaré et que les impôts sont payés au Canada », ajoute l’agence.

« LA TRAPPE SE REFERME »

Appelée à commenter le faible nombre d’avis de cotisation­s émis par L’ARC à ce jour, la ministre du Revenu national, Diane Lebouthill­ier, a défendu le travail de son gouverneme­nt en soulignant le milliard de dollars investi depuis trois ans pour la lutte à l’évasion fiscale.

« Nos investisse­ments historique­s ont notamment permis à l’agence d’embaucher plus de 1300 vérificate­urs. Nous avons ainsi effectué deux fois plus de vérificati­ons liées à l’inobservat­ion à l’étranger dans les trois dernières années qu’en 10 ans sous les conservate­urs. La trappe se referme », a-t-elle indiqué dans une déclaratio­n écrite au Journal.

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Sources : Consortium internatio­nal des journalist­es d’investigat­ion et gouverneme­nt du Canada

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