Le Journal de Quebec

Forcés par la garderie à médicament­er leur enfant turbulent

- DAPHNÉE DION-VIENS

La pression pour médicament­er des enfants turbulents n’existe pas seulement dans le réseau scolaire, mais aussi dans les garderies, a constaté Le Journal. Le phénomène est décrié par des médecins et intervenan­ts, puisque la médication pour les jeunes enfants n’est pas recommandé­e.

Le père d’un enfant de quatre ans, qui a demandé à ne pas être identifié, raconte s’être senti « mis au pied du mur » lorsque la directrice du CPE fréquenté par son garçon lui a demandé de le médicament­er « parce qu’il bougeait trop ».

« Elle nous a dit “ça va lui prendre des médicament­s sinon on va devoir le mettre à la porte” », affirme-t-il. Malgré de fortes réticences, les parents ont décidé d’obtempérer. « Des garderies, il n’y en a pas à tous les coins de rue », laisse tomber le père.

Après un rendez-vous avec un médecin de famille, ils sont repartis avec un « rapide diagnostic » et une prescripti­on, sans être convaincus d’avoir fait la bonne chose. « Il me semble qu’il doit y avoir d’autres solutions pour un petit garçon qui a besoin de bouger », dit le père.

Les parents ont appris par la suite que d’autres enfants du même âge dans ce CPE prennent aussi de la médication, à la suite d’une recommanda­tion de la direction.

Une situation dénoncée par le pédiatre Guy Falardeau. « Ça n’a pas de bon sens, lance-t-il. Chez les tout-petits, on ne devrait pas faire ces diagnostic­s-là, encore moins les médicament­er. »

Le Journal s’est entretenu avec une autre mère qui a vécu le même genre de pression, mais qui a toutefois changé son garçon de garderie pour éviter le recours à la pilule.

UN PHÉNOMÈNE « FRÉQUENT »

La pression pour médicament­er des enfants turbulents en garderie est un phénomène plutôt « fréquent », selon Nancy Larocque, intervenan­te chez PANDA Capitale-nationale, une associatio­n qui vient en aide aux parents d’enfants avec un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité (TDAH).

Depuis septembre, au moins cinq parents qui ont contacté l’organisati­on ont rapporté avoir vécu cette situation en garderie.

« Des parents nous appellent parce que leur garderie les oblige à donner de la médication à leur enfant, sinon ils vont l’expulser. Mais certains parents n’arrivent pas à trouver de médecin qui veut donner de la médication parce que leur enfant est trop jeune », raconte Mme Larocque.

Cette pression existe aussi dans d’autres régions de la province, selon d’autres intervenan­ts d’associatio­ns PANDA avec qui Le Journal s’est entretenu.

À Montréal, le pédiatre Gilles Julien confirme que ce phénomène est bien réel : « La pression vient d’un peu partout dans le système, de l’école, mais aussi des services de garde », dit-il.

Le phénomène est plus fréquent dans les garderies en milieu familial que dans les CPE, qui sont généraleme­nt « mieux équipés » pour venir en aide aux enfants agités ou avec des troubles de comporteme­nts, précise le Dr Julien.

« Ce n’est pas que la garderie ou l’école n’est pas bonne, c’est qu’il y a très peu de services de soutien et d’interventi­on », affirme le pédiatre, qui ne veut pas jeter le blâme sur les intervenan­ts.

Tous les experts consultés s’entendent pour dire que la médication avant l’âge de cinq ou six ans n’est pas recommandé­e, sauf en cas d’exception.

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