Apprendre à mourir
J’ai passé plus de 17 ans sur les bancs d’école. J’y ai appris la grammaire, les mathématiques, le vivre-ensemble. Pourtant, au programme, il manquait une matière de base : savoir mourir.
On ne m’a jamais dit que j’étais mortelle. On a voulu me faire croire que c’était le contraire : « Profites-en, tu es jeune, plus tard, tu feras ceci, cela… »
On ne m’a pas parlé de la possibilité que le « plus tard » pourrait être bientôt. Pourquoi ? Parce que la mort est taboue. Rythme de vie effréné, mode de consommation abusive, recherche de sensations fortes : la société est construite pour nous donner l’illusion qu’on ne mourra jamais. C’est faux.
Marie-ève, Hugues, Sébastien et quelques autres milliers de Québécois le savaient. Ces personnes qui ne sont plus sur cette Terre ont eu à choisir le moment de leur départ. Ils ont demandé l’aide médicale à mourir.
LA MORT À L’ORDRE DU JOUR DE LA VIE
La mort m’a toujours habitée. Depuis mon plus jeune âge, elle occupe une pièce dans la maison de mon âme.
Enfant, j’écoutais la chanson La mort de l’ours de Félix Leclerc, qui raconte l’histoire d’un ours, roi de la forêt, qui a sa patte prise dans un piège. Agonisant sur la mousse, le loup vient lui rendre un dernier hommage. L’ours meurt comme ça, sans acharnement, digne, comme le roi qu’il a toujours été.
Lorsqu’à mon tour j’aurai la patte prise dans le piège de la faucheuse, j’espère que toutes les conditions seront réunies pour que je puisse m’éteindre comme j’ai vécu : vivante.
Depuis des années, ma grandmère Lucie fait signer des cartes de membre pour l’association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité. Aujourd’hui, je l’ai signée. C’était ma première leçon pour apprendre à mourir.
Félix Leclerc le disait : « La mort, c’est plein de vie en dedans. » Madeleine Pilote-côté est diplômée de l’école nationale de l’humour. Elle a remporté notre compétition « Les novices », visant à faire connaître à nos lecteurs de nouveaux chroniqueurs d’opinions.