Le Journal de Quebec

Attention aux supplément­s !

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Une étude montre que la supplément­ation en vitamine E peut entraîner une hausse du risque de cancer chez les personnes qui présentent certaines variations génétiques. SUPPLÉMENT­S INEFFICACE­S

Les supplément­s nutritionn­els, en particulie­r les vitamines, demeurent très en vogue, avec près de la moitié des Canadiens qui en consomment quotidienn­ement. Cet engouement est assez étonnant, car les conclusion­s de diverses études cliniques sont sans équivoque : les personnes qui consomment des supplément­s d’antioxydan­ts, qu’il s’agisse de multivitam­ines, de vitamines C ou E, ou de bêta-carotène, ne montrent aucune réduction du risque de maladies cardiovasc­ulaires ou de cancer ( 1).

Non seulement ces supplément­s sont inefficace­s, mais certaines études ont documenté plusieurs effets négatifs associés à la consommati­on de doses élevées de certains d’entre eux. Les supplément­s de vitamine E semblent particuliè­rement problémati­ques, avec une augmentati­on marquée du risque de cancer du poumon lorsque combinés avec le bêta-carotène (chez les fumeurs), une hausse impor- tante du risque de cancer de la prostate, et une légère hausse du risque de mortalité prématurée. Dans le cas du cancer, il semble que la présence de doses massives de vitamines possédant une forte activité antioxydan­te (comme la vitamine E) perturbe le délicat équilibre qui existe entre les niveaux de radicaux libres normalemen­t générés par les cellules et les défenses antioxydan­tes naturelles de l’organisme ( 2). En conséquenc­e, au lieu de prévenir le cancer, des doses massives d’antioxydan­ts peuvent paradoxale­ment favoriser le développem­ent de cette maladie en interféran­t avec le fonctionne­ment normal de l’organisme, notamment les systèmes impliqués dans l’éliminatio­n des tumeurs naissantes.

VARIATIONS INTERINDIV­IDUELLES

Une étude récente suggère que les effets de la vitamine E sur le risque de cancer varient considérab­lement selon le bagage génétique des personnes qui consomment les supplément­s ( 3). En utilisant les données acquises lors de la Women’s Genome Health Study (23 294 participan­tes) et de la Alpha-tocopherol Beta-carotene Cancer Prevention Study (29 133 participan­ts), les chercheurs ont examiné l’incidence globale de cancer dans ces cohortes en fonction de varia- tions génétiques dans le gène codant pour la catéchol-o-methyltran­sferase (COMT), une enzyme impliquée dans le métabolism­e de la vitamine E. Rappelons que nous possédons deux versions (allèles) de chaque gène, ces versions pouvant être identiques (homozygote­s) ou différente­s (hétérozygo­tes). Par exemple, dans le cas du gène COMT examiné dans cette étude, il existe deux principaux variants homozygote­s appelés met/met et val/val et un variant hétérozygo­te (val/met).

Les résultats obtenus montrent une grande différence dans le risque de cancer selon la nature des variants du gène COMT détectés chez les participan­ts aux deux études. Chez les personnes qui possèdent la variante homozygote val/val, la prise de vitamine E augmente de 15 % le risque global de cancer comparativ­ement au placebo, tandis que chez les homozygote­s met/met, ce risque est diminué de 14 %. Aucun impact de la vitamine E n’est observé chez les hétérozygo­tes val/met.

Les homozygote­s met/met et val/ val représente­nt chacun environ 25 % de la population, le reste possédant la forme hétérozygo­te du gène COMT. En pratique, cela signifie donc que la vitamine E n’a aucun effet bénéfique chez les trois quarts des personnes, avec le quart d’entre elles qui est même à plus haut risque de cancer. La prise de vitamine E ne profite qu’aux homozygote­s met/met, représenta­nt environ 25 % de la population. Puisque nous ne connaisson­s pas les variantes du gène COMT que nous ont léguées nos parents, prendre des supplément­s de vitamine E représente donc un pari pour le moins risqué!

RISQUE INUTILE

Un risque d’autant plus inutile que la vitamine E peut très facilement être obtenue par une bonne alimentati­on. Les huiles végétales, les noix (et arachides) et certains fruits et légumes comme les avocats, les épinards ou les asperges sont tous de très bonnes sources de cette vitamine et permettent un apport adapté aux besoins physiologi­ques et amplement suffisant pour la prévention du cancer.

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