Le Journal de Quebec

QUÉBEC L’A RENDUE GAGNANTE AGN À VIE

Des prêts d’investisse­ment Québec et un contrat d’hydro-québec à Nexolia enrichisse­nt une mystérieus­e femme d’affaires

- – Avec Jean-françois Gibeault et Marie Christine Trottier CHARLES LECAVALIER

Le gouverneme­nt libéral a fourni beaucoup d’argent public à cette mystérieus­e femme d’affaires, Vicky Lavoie.

Le gouverneme­nt Couillard a financé en totalité l’achat d’une usine de pâtes et papiers par une mystérieus­e entreprene­ure qui s’est vite enrichie en la revendant moins de deux ans plus tard le double du prix.

Vicky Lavoie était jusqu’alors inconnue dans le domaine des pâtes et papiers.

Dans le monde des affaires, elle est peu connue aussi, son expérience étant surtout dans le développem­ent économique régional ( voirenpage­6).

Malgré tout, elle et son entreprise Nexolia Bioénergie ont réussi à acheter les installati­ons fermées de Fortress Paper de Lebel-sur-quévillon, au Nord-du-québec, pour 15,3 millions $ en 2016 grâce à une importante aide de l’état.

LÉGUMES EN SERRE

Le gouverneme­nt provincial espérait qu’elle redémarre l’usine de cogénérati­on de ce complexe pour produire l’électricit­é nécessaire à la culture de légumes en serre.

Celle-ci comptait se financer en détruisant le reste des installati­ons pour récupérer le métal.

Grâce à des prêts consentis par Investisse­ment Québec (IQ), Mme Lavoie a donc mis la main sur les immeubles, les machines, mais également sur cet important contrat de production énergétiqu­e par biomasse de 45 mégawatts (MW), signé avec Hydro-québec à près de 12 cents le kilowatthe­ure (kwh).

Cependant, Québec n’avait pas tout prévu : moins de deux ans plus tard, Mme Lavoie s’est entendue avec Chantiers Chibougama­u (une importante entreprise de foresterie en Abitibi) et lui a vendu les actifs de pâte et de cogénérati­on pour plus de 32 M$, selon un document obtenu par Lejournal.

En plus, Nexolia a conservé un peu moins des deux tiers du contrat d’électricit­é, ce qui lui assurera des revenus de près de 800 M$ au cours des 25 prochaines années ( voir texte en page 6).

La biomasse est constituée des résidus forestiers, qui sont brûlés dans des usines (de cogénérati­on) pour créer de la vapeur afin de produire de l’énergie.

SAUVER LEBEL-SUR-QUÉVILLON ?

En juin 2016, la ministre de l’économie d’alors, Dominique Anglade, se trouve à Lebel-sur-quévillon. Cette petite ville, située au nord-est de Rouyn-noranda, peine à retenir ses citoyens depuis la fermeture de l’usine de papier Domtar, en 2008.

Elle y annonce un prêt de 10 M$ pour « la mise en valeur » de ce site industriel au bénéfice de Nexolia Bioénergie, qui doit construire des serres chauffées par la vapeur de l’usine de biomasse.

Des documents publics montrent toutefois que l’engagement financier du gouverneme­nt est devenu beaucoup plus important que ce qui était annoncé ce jour-là.

Selon nos informatio­ns, Nexolia s’est endettée de 7 M$ envers Fortress Paper lors de l’achat. Cette dette a ensuite été refilée à Investisse­ment Québec. L’engagement total de fonds publics s’élève donc à près de 17 M$.

TOUJOURS FERMÉE

Mme Lavoie affirme en entrevue avec Lejournal avoir mis de l’argent de sa poche dans ce projet, sans préciser combien.

Le montage financier de l’entreprise est « créatif », reconnaît celle qui comptait financer son achat en démantelan­t une partie de l’usine pour récupérer son métal.

Le ministère de l’économie savait que Nexolia « avait conclu un contrat avec un ferrailleu­r pour le démantèlem­ent du complexe industriel, en excluant l’usine de cogénérati­on », a reconnu un porte-parole du ministère.

Malgré les millions de dollars prêtés par Québec, le complexe industriel de Lebel-sur-quévillon n’est toujours pas en activité en 2019.

Selon nos informatio­ns, le gouverneme­nt Legault est en négociatio­n avec Chantiers Chibougama­u, qui demande à son tour une importante contributi­on financière pour mettre les installati­ons à niveau et redémarrer la production de pâte à papier.

De son côté, Mme Lavoie ne veut pas révéler l’ampleur du profit récolté dans cette aventure. Elle indique avoir payé ses dettes envers IQ, des pénalités à Hydro-québec, ses frais d’avocats, et avoir conservé un léger pourcentag­e.

« Le gros problème de Chantiers Chibougama­u et ce pourquoi ça leur a coûté cher, dit-elle, c’est qu’ils se sont dit : “on va attendre que Fortress fasse faillite pour racheter ça 1 $”. C’est leur prémisse de base qui a fait que ça s’est terminé comme ça. »

POURQUOI UNE INCONNUE ?

De son côté, l’ancienne ministre Anglade a commenté le dossier hier en soutenant qu’il est normal que le gouverneme­nt prenne des risques pour appuyer des projets générateur­s d’emplois et que la situation peut changer en cours de route.

Pourquoi le gouverneme­nt Couillard a-til choisi de soutenir financière­ment Nexolia, complèteme­nt inconnue dans le monde de la foresterie, pour ensuite appuyer un nouvel acheteur un an plus tard ?

« J’étais la seule à être allée au batte », répond la propriétai­re de l’entreprise, Vicky Lavoie.

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PHOTO D’ARCHIVES Les installati­ons de l’usine de pâtes et papiers de Lebel-sur-quévillon, près de Chibougama­u, dans le Nord-du-québec, en 2013.

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