Les lièvres de M. Roberge
Le gouvernement Legault est le premier depuis la Révolution tranquille à faire de l’éducation sa priorité.
En toute logique, M. Roberge devrait prioriser le chantier qui fera la plus grande différence pour l’avenir des enfants.
Allons, tous en choeur : bravo !
Le ministre de l’éducation, Jean-françois Roberge, est allumé, dévoué, connaît le milieu et a longuement réfléchi à la question.
M. Roberge est sur tous les fronts : maternelle à 4 ans, fin des commissions scolaires, pénurie et vétusté des locaux, manque d’enseignants et de personnel spécialisé, hausse à 18 ans de la fréquentation obligatoire, signes religieux, etc.
Il veut bien faire, et toutes ces questions sont assurément importantes.
De plus, dans notre système politique, quand le ministre est interpellé, le ministre répond.
Un gardien de but ne décide pas quelles rondelles il tente d’arrêter et quelles rondelles il laisse passer.
QUELLE PRIORITÉ ?
M. Roberge est cependant responsable des chantiers qu’il veut prioriser.
Croyez-moi, un mandat électoral, passe incroyablement vite. Un beau matin, vous réalisez que vous êtes à mi-mandat et qu’il faut préparer la réélection.
En toute logique, M. Roberge devrait prioriser le chantier qui fera la plus grande différence pour l’avenir des enfants.
Ce n’est pas de jouer dans les structures. Et la maternelle à 4 ans, une bonne idée, n’a pas de propriétés magiques.
Le principal – pas le seul, mais le principal – facteur de la réussite éducative, si on exclut le rôle des parents, sur lequel un gouvernement ne peut pas grand-chose, c’est la qualité des professeurs.
Notre société confie ses enfants à des enseignants qui ne reçoivent pas plus de considération que le plus obscur fonctionnaire.
Ils sont épuisés, débordés, souvent intimidés par les étudiants… ou par leurs parents.
Ce prestige, cette reconnaissance du métier d’enseignant, difficile à imaginer chez nous, existe dans d’autres sociétés. Ici, on n’en a que pour les médecins.
Pour revaloriser la profession d’enseignant, le gouvernement veut mieux la payer et mieux la soutenir. D’accord, mais ce n’est pas assez.
Pour que l’enseignant ait, chez nous, le prestige qu’il a ailleurs, il faut aussi que sa compétence soit reconnue. Deux autres gestes sont essentiels. Il faut absolument relever les critères d’admission aux programmes de formation des enseignants, dont la cote R est parmi les plus basses.
Il ne faut pas aller vers l’enseignement parce qu’on n’a pas été admis dans le programme qui était le premier choix.
Pardonnez ma franchise brutale : il faut recruter des candidats plus forts, en finir avec ces futurs profs qui doivent s’y prendre à trois reprises pour réussir le test de français écrit.
DES MODÈLES
Il faut ensuite que leur formation ne soit plus un bric-à-brac de techniques d’animation de groupe, mais une formation humaniste, reposant sur une culture générale rigoureuse, qui fera d’eux ce qu’on appelait jadis des maîtres et des maîtresses.
C’est-à-dire des gens qui, pour certains d’entre eux, seront des modèles, des inspirations qui vous marquent pour la vie. J’ai eu cette chance.
Un chasseur qui court trop de lièvres risque de rentrer bredouille. Ce serait tellement dommage…