Le Journal de Quebec

La sacralisat­ion du « libre choix »

- JOSÉE LEGAULT e Blogueuse au Journal Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Impossible de douter des bonnes intentions du ministre de l’éducation Jean-françois Roberge à l’aube du déploiemen­t universel de classes maternelle­s 4 ans à travers le Québec. En Ontario, elles sont populaires. Les enfants arrivent au primaire mieux préparés.

Or, comme on le sait, l’enfer est malheureus­ement pavé de bonnes intentions. Les « experts » sont eux-mêmes divisés entre les pro-maternelle­s 4 ans et les pro-cpe (Centre de la petite enfance). Contrairem­ent à l’ontario, le Québec possède en effet un large réseau de CPE.

Maintenant, posons la question qui tue. Même si les maternelle­s 4 ans étaient une bonne idée en soi, ne serait-il pas plus judicieux d’investir massivemen­t dans nos écoles publiques trop nombreuses à ne plus avoir les ressources humaines et matérielle­s leur permettant d’offrir un enseigneme­nt de qualité ?

En Ontario, la mise en place des maternelle­s 4 ans a coûté plus d’un milliard et demi en fonds publics. Ici, la facture finale risque de frôler le milliard. En même temps, l’école publique crie famine face à un réseau privé lourdement subvention­né de 60 à 70 %.

Rappelons qu’à l’opposé du Québec, l’ontario, pour des raisons d’équité sociale, privilégie fortement son réseau d’écoles publiques. Résultat : son réseau public est de meilleure qualité que le nôtre et ses taux de diplomatio­n, plus élevés. Ce qui était déjà le cas avant la création des maternelle­s 4 ans en 2010.

INJUSTICE

Au Québec, le vrai ver dans la pomme est dans l’existence de deux systèmes scolaires parallèles, un public et l’autre privé subvention­né

preuve, selon le Conseil supérieur de l’éducation (CSE), notre système scolaire est devenu le plus inégalitai­re au Canada. Dans un rapport cinglant paru en 2016, le CSE en a fait le dur constat.

Au Québec, l’école ne sert plus à combattre les inégalités sociales, elle les reproduit ! C’est un problème d’une extrême gravité. Sous prétexte d’offrir le « libre choix » aux parents, ce sont leurs niveaux de revenus qui, dans les faits, dictent où leurs enfants iront : au public gratuit ou au privé subvention­né.

DRAME

Le CSE s’inquiète de cette « ségrégatio­n » socio-économique. Hormis pour les programmes particulie­rs, les élèves du public « ordinaire » écopent sur le plan académique. Ce faisant, leur mobilité sociale future est mise en danger. Bref, le « libre choix » s’opère au détriment du principe même d’égalité des chances.

L’injustice est flagrante, mais nos élites profitent tellement elles-mêmes du privé subvention­né qu’elles refusent d’agir. On pourrait pourtant réduire les subvention­s au privé tout en investissa­nt massivemen­t au public et en imposant une plus grande mixité socio-économique à toutes les écoles.

La promesse des maternelle­s 4 ans repose sur la même sacralisat­ion du « libre choix » des parents. CPE ou maternelle 4 ans, à eux de choisir. Pendant ce temps-là, notre système scolaire restera le plus inégalitai­re au pays.

Pour la nation québécoise, c’est un drame dont on refuse obstinémen­t de prendre la pleine mesure.

 ??  ??
 ??  ?? Impossible de douter des bonnes intentions du ministre de l’éducation Jean-françois Roberge.
Impossible de douter des bonnes intentions du ministre de l’éducation Jean-françois Roberge.

Newspapers in French

Newspapers from Canada