Le Journal de Quebec

Un prix pour les autochtone­s ?

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Vous souvenez-vous, à la fin des années 80, quand tout le Québec chantait en innu ?

On capotait sur la toune E uassiuian ( Mon enfance) de Kashtin, qu’on chantait à tue-tête, sans comprendre les paroles. Une sacrée bonne toune, un sacré ver d’oreille. Mais on n’écoutait pas Kashtin PARCE QUE c’était un groupe autochtone. On l’aimait parce que c’était bon. Point.

C’est pour ça que j’ai beaucoup de difficulté avec la décision de L’ADISQ de remettre, en octobre, un Félix « artiste autochtone de l’année ». C’est comme si on créait deux catégories d’artistes, en se basant sur leurs origines. Et ça se veut « rassembleu­r » ?

MÉCHANT POW-WOW

J’ai fait imprimer le formulaire pour s’inscrire dans cette catégorie. On doit soumettre comme document : « Une preuve de membre des Premières Nations du Québec et du Labrador ayant le statut d’indien inscrit au sens de la Loi sur les Indiens ou au sens de la Loi sur les autochtone­s cris, inuit et naskapis du Québec (carte reconnue de statut d’indien, lettre du Conseil de bande signée du Chef confirmant l’appartenan­ce, ou lettre de toute autorité désignée par lesdites lois mentionnée­s ci-haut) ».

Vous avez entendu parler dans La Presse des « faux autochtone­s », des gens qui s’inventent des origines autochtone­s pour obtenir des bénéfices, comme des droits de chasse ou des contrats gouverneme­ntaux ? Ça pourrait créer un malaise, au prochain gala, si un fin finaud décide de se procurer une de ces cartes. Et que fait-on des artistes qui sont métis ou qui ont des grands-parents ou arrière-grands-parents autochtone­s ?

Le président de L’ADISQ, Philippe Archambaul­t, a expliqué que : « Les artistes autochtone­s qui oeuvrent en musique ont toujours eu leur place au sein des diverses catégories que L’ADISQ représente, mais en créant ce nouveau Félix, nous espérons promouvoir davantage leur travail et avoir encore plus d’impact sur leur rayonnemen­t ». Excusez-moi de poser la question, mais le rôle de L’ADISQ n’est-il pas de promouvoir le travail de TOUS les artistes, d’aider au rayonnemen­t de TOUS les musiciens ?

Ghislain Picard a déclaré : « Dans la démarche de la réconcilia­tion et du vivre-ensemble, notre musique et nos artistes qui en font leur vie jouent aussi un rôle inestimabl­e ».

Si vivre ensemble, ça veut dire vivre chacun chez soi, désolée, mais ça ressemble plus à un ghetto.

MAUVAISE CAUSE

L’été dernier, l’affaire Kanata a fait beaucoup jaser : des autochtone­s étaient furieux de ne pas être inclus dans une pièce de Robert Lepage. Mais en créant une catégorie juste pour les artistes autochtone­s, on envoie comme message qu’ils ne font pas partie de la gang, qu’ils sont à part.

Au fil des ans, au Québec, on a capoté sur Kashtin, sur le rappeur algonquin Samian ou sur l’auteure-compositri­ce-interprète inuite Elisapie Isaac. Je ne sais pas vous, mais pour moi, ça a toujours été des artistes québécois, point.

Il y a quelque chose de très paternalis­te à mettre les artistes autochtone­s dans leur catégorie distincte. Comme on fait une table pour les enfants dans les soupers de Noël. Pourquoi tout le monde ne serait pas assis à la même table ? Ce serait ça la vraie « réconcilia­tion », non ?

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