Le Journal de Quebec

De nouveau heureuse

Isabelle Gaston mène une vie plus paisible 10 ans après le meurtre de ses enfants Olivier et Anne-sophie www.echosports.ca

- MICHAËL NGUYEN

Elle raconte avoir retrouvé une certaine paix intérieure, dix ans jour pour jour après que Guy Turcotte eut tué leurs enfants Olivier et Anne-sophie. Un drame qui a secoué tout le Québec.

Dix ans après le meurtre de ses enfants, Isabelle Gaston a retrouvé une certaine paix intérieure, loin des projecteur­s, en passant le flambeau de ses combats pour améliorer le système de justice.

« J’essaye de retrouver un certain calme, de reprendre une vie normale et de m’occuper de mes patients, même si je n’ai plus la capacité de faire ce que je faisais avant », explique Isabelle Gaston en entrevue exclusive avec Le Journal.

Cet « avant », c’était il y a 10 ans aujourd’hui même. Dans la nuit du 21 février 2009, incapable de supporter la séparation, son ex-conjoint Guy Turcotte tuait leurs enfants Anne-sophie et Olivier de 46 coups de couteau. Les jeunes avaient 3 et 5 ans. Le drame a secoué tout le Québec tout entier. Une longue saga judiciaire a suivi, mettant en lumière le rôle paradoxal des experts psychiatre­s au tribunal. D’abord déclaré non criminelle­ment responsabl­e pour troubles mentaux, Turcotte a été condamné lors d’un second procès à la prison à vie sans possibilit­é de libération conditionn­elle avant 17 ans.

MÉMOIRE DÉFAILLANT­E

Le traumatism­e a fait en sorte que la Dre Gaston, qui travaillai­t comme urgentolog­ue et coroner, n’était plus capable de suivre le rythme.

Pendant un moment, elle avoue même avoir complèteme­nt oublié toutes ses connaissan­ces en médecine, au point qu’elle pensait ne plus jamais pratiquer.

« On ne redevient jamais ce qu’on était, explique-t-elle. J’avais besoin de calme pour ma santé psychologi­que. Parfois, il faut s’aider soi-même. »

S’est alors amorcée une lente reconstruc­tion, aidée par le soutien de la population. Pratiqueme­nt tous les jours, quand elle marchait dans la rue, quelqu’un venait l’encourager ou la prendre dans ses bras.

« Ça m’a permis de retrouver l’espoir, malgré le drame qui est arrivé », dit-elle. Même si chaque fois, cela ramenait à la surface les douloureux souvenirs qu’elle tentait toujours alors d’apprivoise­r.

Mais le temps a commencé à faire son oeuvre et atténuer la douleur causée par Guy Turcotte. Après des années à être à l’avant-plan médiatique, c’est loin des caméras qu’isabelle Gaston a retrouvé la joie de vivre.

VIVRE MALGRÉ TOUT

« Je vois les choses de façon positive », ditelle se gardant de trop étaler une vie personnell­e déjà passée au crible lors des procès.

« Les blessures sont là, mais il faut redonner le droit aux victimes de vivre pleinement, de mordre dans la vie, de les laisser prendre leur envol. »

Un envol qu’elle a pris avec le sport, les loisirs, les vacances dans des endroits où personne ne la reconnaît, mais surtout avec sa vocation d’aider les malades.

À défaut de le faire aux urgences, c’est en tant que médecin de famille dans un CLSC qu’elle en prend soin. Le salaire est moindre, mais elle continue de se dévouer envers ses patients.

« Je peux dire que je suis heureuse », affirme-t-elle, souriante.

Pendant 10 ans, la Dre Gaston a mené de front plusieurs combats. D’abord pour la reconnaiss­ance des parents victimes, elle qui a dû attendre sept ans avant d’être indemnisée par l’indemnisat­ion des victimes d’actes criminels (IVAC), puis avec les psychiatre­s à la cour.

« Le rôle des experts-psychiatre­s, ce n’est pas d’usurper le rôle des jurés. Leur but n’est pas de gagner, dit-elle. Je crois en notre système de justice, mais il faut des mécanismes pour s’assurer de l’intégrité des experts à la cour. J’avais fait une plainte au Collège des médecins, mais je me suis essoufflée. »

Elle parle d’ailleurs de « sentiment d’inachevé », tout en souhaitant que le flambeau soit maintenant repris par d’autres.

ANGOISSE

Si Guy Turcotte a été condamné, l’affaire n’est pas entièremen­t terminée puisque dans cinq ans, l’ex-cardiologu­e pourra demander une libération conditionn­elle.

« Ça m’angoisse, reconnaît Mme Gaston. On verra comment il s’est réhabilité. J’espère qu’il le sera, parce que d’une certaine façon, ça me protégera. »

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PHOTO CHANTAL POIRIER Nous avons rencontré une Isabelle Gaston sereine dans un parc montréalai­s.

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