René Lecavalier est bel et bien mort
Comme aurait pu chanter Charles Aznavour, je vais vous parler d’un commentateur sportif que les moins de 35 ans ne peuvent pas connaître : René Lecavalier.
Cet homme a décrit la toute première soirée du hockey diffusée à Radio-canada, puis à peu près toutes les autres par la suite. Il a mis fin à sa carrière au Rendez-vous ‘87 de Québec, alors que l’équipe nationale de L’URSS affrontait une sélection des meilleurs joueurs de la LNH. Lecavalier fut « la voix du hockey » chez nous. Grâce à lui, le hockey s’est mis à parler français. Dieu merci, pas le français des commentateurs de France qui s’obstinent encore à parler de gouret et de palet. Les mots de Lecavalier pour parler de hockey ont remplacé petit à petit tous les mots anglais que nous utilisions alors. La plupart des descripteurs qui lui ont succédé ont suivi assez fidèlement la voie qu’il avait ouverte. Ils ont tous gardé, par exemple, l’expression qu’avait répétée Lecavalier des centaines de fois : « Et c’est le but ! »
AH ! CES ANCIENS JOUEURS...
Hélas ! on ne peut en dire autant de la légion de commentateurs qu’on entend sur nos chaînes sportives, à RDS comme à TVA. Non seulement ils ont oublié le travail de pionnier de Lecavalier, mais si on ne fait rien, ils finiront par imposer une foule de barbarismes qui pollueront notre langue à jamais.
La plupart des analystes et commentateurs sont recrutés parmi les anciennes vedettes de la Ligue nationale. Dans toutes les équipes professionnelles, on le sait, la langue du vestiaire, c’est l’anglais, même si les joueurs et les entraîneurs sont francophones.
C’est ainsi que se sont imposés tant d’expressions fautives et de barbarismes. Le Canadien, par exemple, rate de nombreuses « chances » de compter au lieu de rater des occasions ; l’arbitre « appelle une pénalité » plutôt que signaler une infraction ; Bergevin « signe » un nouveau joueur plutôt que le mettre sous contrat ; Victor Mete n’est pas « habillé » certains soirs plutôt qu’être laissé au rancart. L’entraîneur doit donc se présenter contre Boston « avec un banc coupé » plutôt qu’avec moins de joueurs que d’habitude.
ÉTABLIR UN LEXIQUE
Ce sont ces anciens joueurs qui inventent ces perles et ces expressions ridicules. Ce sont eux qui parlent de hockey « inspiré », de rondelle qui « circule du nord au sud », de la « chimie » que crée Max Domi dans l’alignement, de Jordie Benn qui pratique un jeu « physique », de Kotkaniemi qui fait « bouger » la rondelle, de Shea Weber qui « prend un lancer de l’enclave », du Canadien qui entreprend un « périple » de plusieurs jours sur la route... Les joueurs ne voyagent donc plus en avion ? J’en passe et des meilleures. Pourquoi les chaînes sportives n’établiraient-elles pas un lexique du hockey qu’elles imposeraient à leurs commentateurs et analystes ? Une tâche à laquelle s’attaquerait volontiers un ancien commentateur comme Pierre Dufault. Quant à tous ces « joueurnalistes », ils sont rémunérés lorsqu’ils se retrouvent à l’écran, alors qu’ils fassent l’effort d’apprendre un lexique correct. Si on a réussi à changer notre vocabulaire automobile, si on parle désormais d’essuie-glace, de pneus, de pare-chocs et de pare-brise, il y a sûrement moyen d’arriver à parler de hockey dans un français correct.
La mémoire de René Lecavalier sera alors perpétuée.