Le Journal de Quebec

Québec ne demande pas la lune

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ

Hier, François Legault est intervenu dans la campagne électorale en présentant les demandes de son gouverneme­nt aux partis fédéraux.

C’était un exercice relativeme­nt complexe. D’un côté, le régime libéral de 2003 à 2018 a pratiqué le fédéralism­e accroupi. Il multipliai­t les gestes de soumission à Ottawa.

De l’autre, le parcours politique de François Legault, sur la question nationale, est improbable. Il fut longtemps un souveraini­ste ardent, convaincu qu’il suffisait d’aller de l’avant avec une approche audacieuse pour convaincre les Québécois des vertus de l’indépendan­ce. Il a ensuite constaté que les Québécois ne voulaient plus entendre parler de la question nationale.

On ne devrait pas demander la permission d’exister.

POUVOIRS

Le souveraini­ste zélé s’est résigné au Canada, avant de l’embrasser pour un temps. Comme tous les convertis, il faisait du zèle. De retour en politique, pour se débarrasse­r de son étiquette de souveraini­ste, il a même osé dire qu’il voterait Non s’il y avait un troisième référendum.

Après bien des tâtonnemen­ts, il s’est installé dans le créneau du nationalis­me autonomist­e, en plus d’occuper le terrain identitair­e avec la laïcité et l’appel à réduire les seuils d’immigratio­n. C’était bien visé. Les Québécois, aujourd’hui, se retrouvent en majorité sur ce créneau.

C’est à cette lumière que l’on comprendra ses revendicat­ions fédérales.

La première est certaineme­nt la plus importante. Il exige des partis fédéraux qu’ils respectent le choix québécois en matière de laïcité. La loi 21 n’est pas qu’une loi : elle pose les bases d’un modèle d’intégratio­n en rupture fondamenta­le avec le multicultu­ralisme canadien. À travers elle, les Québécois ont recommencé à agir comme nation.

Mais François Legault va plus loin et reprend une ancienne revendicat­ion du Bloc québécois : il exige que les entreprise­s à charte fédérale installées au Québec soient soumises à la loi 101. C’est le simple bon sens.

Il veut aussi déterminer seul la politique d’immigratio­n au Québec et le nombre d’immigrés que nous recevons par année : c’est une revendicat­ion essentiell­e, même vitale, probableme­nt la plus importante pour la survie et l’avenir du peuple québécois.

François Legault s’oppose aussi au dédoubleme­nt administra­tif représenté par les deux rapports d’impôt. Il n’en voudrait qu’un seul, administré par Québec.

Ne soyons pas mauvais joueurs : ces mesures sont de bon sens. À condition de reconnaîtr­e qu’elles sont minimalist­es. Car François Legault, ici, ne demande pas la lune. Il demande des ajustement­s relativeme­nt simples de la fédération canadienne pour que le peuple québécois puisse retrouver les moyens nécessaire­s à la défense de son identité.

IDENTITÉ

Il y a néanmoins quelque chose d’absurde dans tout cela.

Pourquoi le Québec doit-il quêter à un gouverneme­nt qu’il ne contrôle pas les pouvoirs nécessaire­s à son existence comme peuple ? Pourquoi faut-il demander à Ottawa ce qui devrait nous revenir naturellem­ent ?

Et que se passera-t-il si Ottawa ferme la porte à ces demandes ou les relativise ? On ne devrait pas avoir à demander aux autres la permission d’exister. Au fond de lui-même, François Legault doit le savoir.

Au fond de lui-même, lui arrive-t-il de se rappeler qu’il a déjà voulu un Québec indépendan­t ?

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François Legault

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