Le Journal de Quebec

François Legault, manifestan­t ?

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ e Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r c mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com L @mbockcote

Le 27 septembre, des dizaines de milliers de jeunes et de moins jeunes marcheront « pour le climat ». À l’appel de Greta Thun

berg, et poussés par le système d’éducation, qui s’est laissé entraîner par ce mouvement, ils se mobilisero­nt pour pousser nos gouverneme­nts à s’engager davantage dans la lutte contre les changement­s climatique­s.

On ne saurait contester la noblesse de cette cause, même si l’on jugera sévèrement les écoles qui poussent leurs élèves dans la rue vers l’activisme politique plutôt que d’assumer leur mission, qui est de transmettr­e le savoir et la culture. L’école ne devrait servir aucune idéologie et se concentrer sur sa mission éducative.

ÉCOLOGISME

Cela dit, la cause environnem­entale, comme toutes les autres causes politiques, se laisse instrument­aliser aisément. Ainsi, on a vu les leaders de Québec solidaire en appeler à la suspension des travaux de l’assemblée nationale pour que ses membres puissent se joindre à la manifestat­ion et témoigner de leur ferveur écologiste.

Toutefois, derrière ce grand appel à la manifestat­ion, il y avait une ruse politique d’une subtilité éléphantes­que. Québec solidaire savait très bien que la CAQ n’allait pas fermer l’assemblée nationale pour transforme­r les députés en manifestan­ts parmi d’autres. Pourquoi le demander alors? Pour permettre à QS de brandir seul l’étendard de la lutte contre le changement climatique et laisser entendre que les autres partis y sont indifféren­ts.

Deux cultures politiques ressortent ici.

QS, malgré sa percée aux dernières élections, demeure un parti fondamenta­lement protestata­ire, plus à l’aise dans la rue qu’à l’assemblée nationale. C’est compréhens­ible: il y a une ivresse propre à la manifestat­ion, quand une masse humaine reprend unanimemen­t le même slogan. La foule se sent toute puissante et capable de déplacer des montagnes.

On comprend que ses députés prennent un certain temps à s’adapter à l’assemblée nationale, quand ils y parviennen­t, ce qui n’est pas toujours le cas. En chambre comme en commission parlementa­ire, certains aiment se donner en spectacle. Normal : ils sont souvent en état d’ivresse idéologiqu­e, comme c’est fréquemmen­t le cas dans la gauche radicale.

La CAQ fonctionne sur un autre registre. Trop souvent, son discours politique est terne. Mais on lui reconnaîtr­a une vertu : pour elle, la politique relève moins de l’opposition lyrique que de l’exercice du pouvoir. Évidemment, qui exerce le pouvoir découvre rapidement mille contrainte­s qui expliquent l’écart entre les idéaux que nous défendons et la réalité dans laquelle nous vivons.

QS

Le pouvoir ne peut pas tout faire, mais il n’est pas impuissant. Le jour où le gouverneme­nt décide de rejoindre les rangs des manifestan­ts, c’est qu’il renonce à sa capacité de changer les choses, et donc, à ses responsabi­lités.

La CAQ n’est pas tombée dans le piège. Elle a su résister à l’appel démagogiqu­e des solidaires. François Legault n’a pas vocation à diriger des manifestat­ions. Il lui appartient maintenant de prendre au sérieux l’enjeu climatique.

Le Québec ne fait déjà pas trop mal. Il peut évidemment faire mieux.

 ??  ?? La place du premier ministre n’est pas dans la rue.
La place du premier ministre n’est pas dans la rue.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada