Le Journal de Quebec

UN LANCER POUR PAPA

Le courage d’une famille québécoise déménagée à Atlanta est salué par les Braves

- Mathieu Boulay l ∫ Mboulayjdm

Le jeune Samuel Rosa donnera une saveur particuliè­re au lancer protocolai­re du match opposant les Braves d’atlanta aux Phillies de Philadelph­ie, qui sera présenté aujourd’hui au Suntrust Park. Celle d’un garçon de 8 ans courageux et résilient.

Il se pointera au monticule devant plusieurs milliers de partisans pour faire son lancer. À qui pensera-t-il lorsqu’il amorcera son élan?

« C’est sûr que je vais penser à mon papa », raconte le petit qui est âgé de huit ans.

Son papa, c’est Patrick Rosa, qui est décédé le 3 août dernier des suites de complicati­ons d’une leucémie myéloïde.

Il y a une dizaine d’années, Rosa et son épouse, Valérie Bolduc, ont déménagé à Atlanta pour poursuivre leur carrière dans le domaine de l’actuariat. Puis, en l’espace d’un an, le couple de Québécois a accueilli deux garçons dans son univers : Samuel et William.

La vie est précieuse. Patrick et Valérie le savaient avec l’arrivée de leurs deux enfants. Toutefois, ils ne savaient pas qu’ils l’apprendrai­ent de la plus dure des façons quelques années plus tard.

En 2014, Patrick apprend qu’il est atteint de la leucémie myéloïde. Un terrible coup du destin pour l’homme dans la trentaine. Toutefois, celui qui est originaire de Rosemère parvient à fermer le clapet à cette maladie avec des traitement­s.

« Elle est toutefois revenue en 2016, et à ce moment, Patrick a dû recevoir une transplant­ation de la moelle osseuse, explique Valérie Bolduc lors d’une généreuse entrevue avec Le Journal. Il est seulement retourné au travail en juin dernier.

Il a attrapé un virus et son système immunitair­e n’a simplement pas répondu. »

COUP DE MASSE

Patrick Rosa n’a eu aucune chance. Le virus s’est attaqué à sa colonne vertébrale avant de monter à son cerveau. Une lutte inégale de deux mois commençait.

Par contre, Valérie avait une autre bataille à mener en même temps. En mai, avant le début des ennuis de santé de son mari, elle reçoit une claque au visage : Samuel est atteint d’un lymphome hodgkinien. Comme Saku Koivu et Mario Lemieux.

« Pendant que Patrick était aux soins intensifs, Samuel avait eu sa chirurgie en prévision de ses traitement­s, mentionne la femme originaire de la Beauce. Le protocole était enclenché et on avait les dates des traitement­s. Au total, les ganglions étaient attaqués à trois endroits. »

Comment une seule personne peutelle encaisser ces deux terribles nouvelles sans craquer ? Valérie a de la difficulté à l’expliquer. Elle s’est demandé à plusieurs reprises pourquoi la vie s’acharnait sur elle et sur sa famille.

Par contre, pas question de baisser les bras.

« Lorsque Sam a reçu son diagnostic, j’étais très triste pour lui. Je me disais : pourquoi une autre affaire ?

Durant cette période de trois mois (juin à août), j’étais dans un mode une tâche à la fois. J’étais toujours dans le moment présent. Lorsque j’étais avec Patrick à l’hôpital, j’étais avec lui à 100 %. »

TROP RAPIDE

L’état de santé de Patrick se détériore rapidement. Il perd alors l’usage de ses jambes. Il en fallait cependant plus pour que Valérie abdique devant ce satané virus. De la résilience à l’état pur.

« Je continuais de me dire qu’on allait passer au travers et qu’il s’en sortirait. Je me disais qu’il pourrait être sur le terrain de baseball en fauteuil roulant ou qu’on n’aurait plus besoin d’attendre avant d’embarquer dans l’avion. Je faisais des plans pour la suite des choses. »

Patrick décide de s’accrocher. Il ne pensait cependant pas que le destin lui enverrait une balle courbe. Il est victime d’un accident vasculaire cérébral.

« Il n’est jamais revenu et il n’était plus en mesure de communique­r avec moi. Par la suite, on a demandé plusieurs avis médicaux. On a tout essayé. »

Patrick Rosa a finalement rendu les armes le 3 août.

« Lorsque tu fais des arrangemen­ts funéraires, tu ne penses pas que tu en auras besoin à 37 ans. Durant le dernier mois, on a préparé son départ avec les enfants. On a tous préparé des lettres pour lui dire tout ce qu’on voulait. »

DE L’AIDE DE PARTOUT

Durant ces mois marqués par ces deux batailles, Valérie Bolduc a reçu un appui qui a dépassé ses attentes. Les parents de son époux et sa mère sont venus lui donner un coup de main avec les enfants.

« On avait besoin de toute l’aide possible, car j’étais avec Patrick presque 24 heures sur 24, sauf quand Samuel avait des traitement­s. Tout le monde voulait aider. Pour démontrer à quel point les gens ont été généreux, je n’ai pas fait un souper depuis le mois de juin.

Sans me le dire, nos amis ont fait une campagne de sociofinan­cement durant laquelle ils ont amassé 50000 $.»

Valérie Bolduc est consciente de la chance qu’elle a eue d’avoir autant d’aide de son entourage. Ce n’est pas le cas de toutes les familles qui vivent ce type de situation. Elle croit que Patrick est en grande partie responsabl­e de cette vague d’entraide.

« Il était tellement impliqué dans la communauté. Il a dirigé au basketball, au hockey et au baseball lorsque sa santé le lui permettait. »

Son employeur a également démontré beaucoup de compassion à son endroit. Son équipe d’employés a été en mesure de gérer la majorité de ses dossiers durant les moments critiques.

« Au point de vue émotionnel, ce qui m’a gardée entière est d’avoir eu des enfants. Avec eux, tu n’as pas le choix de continuer d’avancer et d’être de bonne humeur, souligne Valérie Bolduc. Avec ce qu’on a vécu, ça permet de relativise­r. La vie te bâtit et te fait grandir. Aujourd’hui, si je recevais le diagnostic de Samuel, je ne l’accueiller­ais pas de la même façon. »

BONNE NOUVELLE

Lundi, le soleil a remplacé les nuages gris des derniers mois. Samuel a reçu une bonne nouvelle. Son dernier test d’imagerie a indiqué qu’il est en rémission.

L’enfant était peu expressif lorsqu’on lui a annoncé que son cancer avait disparu.

« Moi, je pleurais, a souligné Valérie. Sam, lui, a une vieille âme. Il a été content pendant cinq secondes. Il voulait la confirmati­on d’un oncologist­e avant de se réjouir.

On est vraiment contents, mais c’est juste pas naturel que Pat ne soit pas avec nous pour partager la nouvelle. »

Aujourd’hui, à Atlanta, Samuel vivra une journée de rêve. Avec son lancer, il pourra rendre un hommage à son père, mais aussi célébrer sa guérison.

Un scénario digne d’un film.

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 ?? PHOTOS COURTOISIE ?? 1. Valérie Bolduc avec ses hommes : Patrick, William et Samuel. 2. Patrick Rosa entouré de ses fils William et Samuel ( à droite). 3. La famille Rosa allait souvent aux matchs des Braves. 4. Patrick Rosa adorait enseigner le baseball aux jeunes.
PHOTOS COURTOISIE 1. Valérie Bolduc avec ses hommes : Patrick, William et Samuel. 2. Patrick Rosa entouré de ses fils William et Samuel ( à droite). 3. La famille Rosa allait souvent aux matchs des Braves. 4. Patrick Rosa adorait enseigner le baseball aux jeunes.
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