Un guet-apens politique
À part leur saupoudrage d’argent virtuel « dans les poches » de la classe moyenne, libéraux et conservateurs sont en panne évidente de contenu inspirant. Or, la nature abhorre le vide. D’où l’effet décuplé par la parution de photos vieilles de plus de vingt ans, montrant Justin Trudeau déguisé et la peau recouverte de noir ou de brun.
D’autres photos similaires et une vidéo ont suivi illico. La vidéo diffusée par Global News, de l’aveu même du chef conservateur Andrew Scheer, fut envoyée par quelqu’un de son propre parti. Le coup de Jarnac asséné à Justin Trudeau a tout d’un guet-apens politique. Accusé de s’être livré à la pratique raciste du blackface et du brownface, le chef libéral s’en remettra-t-il pleinement ? Le temps le dira.
Pour le moment, ses excuses rapides n’ont rien fait pour empêcher Andrew Scheer de le traiter de raciste. Pour les conservateurs qui, pour le moment, ne mènent plus qu’en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan, c’est un joli cadeau. Leur espoir est qu’en Ontario, crucial pour la victoire, cet épisode fasse perdre des plumes aux libéraux. Incluant dans les communautés culturelles.
IMAGE AMOCHÉE
Au pays et à l’étranger, l’image du chef libéral en sort également amochée. Parce qu’elle vient de ses propres expériences de vie, la réaction la plus dommageable est toutefois celle de Jagmeet Singh. Sa question est cinglante : « Qui est le vrai Justin Trudeau ? » Seul le chef bloquiste, Yves-françois Blanchet, s’est gardé de compter des points partisans avec ce nouveau « scandale ». M. Trudeau n’est pas raciste, note-t-il, c’est son jugement dont il est plutôt donné de douter.
Il faut le dire. Traiter son adversaire de raciste lorsque c’est faux, c’est la politique à son pire. De la politique de ruelle. Non pas qu’il faille banaliser la réaction de ceux et celles qui, en voyant ces photos, se sentent blessés. Au contraire, leur douleur mérite respect. Justin Trudeau l’a reconnu hier en offrant à nouveau ses excuses.
RADAR QUÉBÉCOIS
Cette histoire vient aussi confirmer qu’il y a deux campagnes parallèles au pays. Au Québec, la loi sur la laïcité s’est invitée. Au Canada anglais, c’est l’affaire Snc-lavalin. Idem pour ces photos. Au Canada anglais, le doute flotte dorénavant sur Justin Trudeau. Au Québec, le verdict est consensuel : non, il n’est pas raciste. Comment expliquer la différence ?
Mon hypothèse est celleci. Pour en avoir été euxmêmes souvent la cible, les Québécois sont dotés d’une sensibilité profonde face aux accusations injustes de racisme. Leur radar sait détecter les attaques non fondées. C’est pourquoi ils refusent de jeter Justin Trudeau aux fauves.
Cette histoire soulève d’autres inquiétudes. En politique, a-t-on droit à l’erreur ? Le chef libéral n’a volé personne. Son erreur passée est d’avoir fait le fanfaron à une époque où la prise de conscience sur le blackface et le brownface était inexistante au sein des élites canadiennes.
Cette question est importante. Si la réponse est non, les prochains candidats devront avoir été infaillibles depuis leur naissance. Or, c’est mission impossible. Quoi qu’on fasse, tous les humains sont faillibles.
En politique, a-t-on droit à l’erreur ?