Le Journal de Quebec

Un « scandale » ridicule

- JONATHAN TRUDEAU @Jetrudeau

Tel un véritable masochiste, Justin Trudeau s’est contraint hier à une séance extraordin­aire et interminab­le d’autoflagel­lation. Un exercice injustifié. Lui n’ose peut-être pas se défendre, mais bon, moi, je le ferai. AUTRES TEMPS, AUTRES MOEURS

En 2019, nous convenons tous que le choix de se peindre le visage en brun ou en noir est totalement inacceptab­le. Par contre, il faut éviter d’analyser et juger des faits datant d’il y a 20 ans ou plus avec une lorgnette moderne. Certes, il y a des gestes qui seront toujours traités avec une égale indignatio­n, comme le meurtre ou le viol. Mais quand on parle de cette habitude que des tonnes de gens avaient de se déguiser ou de tenter d’incarner une autre ethnie dans des contextes de fêtes ou de célébratio­ns, il faut remettre les choses en perspectiv­e et reconnaîtr­e que les moeurs ont évolué.

Il importe aussi de mesurer le poids des mots. D’éviter de galvauder des expression­s et d’en travestir le sens premier. C’est le cas de l’utilisatio­n du terme blackface. À la base, celui-ci est apparu pour dénoncer l’action de se peinturer le visage en noir pour ridiculise­r, pour blesser et pour véhiculer des préjugés complèteme­nt débiles. C’était ça, le blackface.

Alors, quand la planète entière se scandalise du fait qu’un jeune prof du secondaire avait décidé, au tournant des années 2000, de se déguiser en Aladdin à l’occasion d’une fête qui avait pour thématique le Moyen-orient, je décroche.

PETITE POLITIQUE

Malheureus­ement, partisaner­ie politique et modération ne vont pas de pair. C’est pourquoi les deux principaux opposants de Justin Trudeau n’ont pas hésité à faire sauter le bouchon pour grappiller quelques petits points politiques. Andrew Scheer a ainsi exigé la démission du PM, estimant qu’il n’était pas apte à occuper cette fonction. Jagmeet Singh, qui peut assurément comprendre les affres de la discrimina­tion, n’a pas jugé bon de faire la part des choses, invitant plutôt les jeunes Canadiens à résister à l’envie de carrément abandonner le Canada.

En langage politique, on appelle ça faire de l’overkill, soit de trop en faire et de finir par se décrédibil­iser. Ce faisant, on risque même de finir par victimiser la personne mise en cause.

TELLEMENT PIRE

Ce qui me subjugue, c’est de voir la force et la portée du séisme actuel. Comment peut-on en venir à une crise d’envergure planétaire pour des éléments anecdotiqu­es, alors que le chef libéral a même augmenté son avance dans les sondages après le rapport accablant du Commissair­e à l’éthique sur l’affaire Snc-lavalin ? Comment peut-on sanctionne­r plus durement un choix discutable de costumes d’il y a deux décennies que le fait qu’un premier ministre en fonction s’est rendu coupable d’avoir violé la loi en interféran­t dans un processus légal et indépendan­t ?

Il y a une multitude de raisons pour juger sévèrement Justin Trudeau. Mais sa propension à se déguiser il y a 20 ans n’en est pas une.

 ??  ?? Animateur radio et chroniqueu­r
Animateur radio et chroniqueu­r
 ??  ?? Il faut éviter d’analyser et juger des faits datant d’il y a 20 ans ou plus avec une lorgnette moderne.
Il faut éviter d’analyser et juger des faits datant d’il y a 20 ans ou plus avec une lorgnette moderne.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada