L’exhibitionnisme pathologique
Condamné sévèrement dans le ROC pour ses blackface de jeunesse, Justin Trudeau serait « pardonné » par le Québec.
Le Devoir formulait cette intéressante hypothèse hier.
Le mot « sévèrement » est un euphémisme pour désigner ce qui se passe au Canada anglais.
À écouter Andrew Scheer et Jagmeet Singh, on pouvait avoir l’impression que le jeune Justin n’avait pas seulement peint son visage en noir, mais qu’il fut peut-être lui-même marchand d’esclaves dans son jeune temps !
Leurs réactions étaient ridiculement boursouflées. Ils ont beau être en politique, certaines outrances demeurent choquantes.
Au Québec, face à cette histoire, il me semble qu’on a su raison garder. Les controverses de 2013 et 2014 autour du Bye bye entre autres nous ont peut-être fait prendre conscience des aspects péjoratifs de la pratique du blackface, tout en nous permettant de faire certaines nuances interdites aux Américains, puisque leur pays est marqué par les crimes originels de l’esclavage à grande échelle et de la ségrégation. (Le ROC étant une sorte de satellite culturel des États-unis, toute nuance semble aussi interdite.)
Pour qu’un blackface soit condamnable, « il faut qu’il y ait une volonté certaine de vouloir ridiculiser et déshumaniser l’autre », notait par exemple l’écrivain Dany Laferrière avec à-propos, jeudi, à RDI.
Le Québec voit sans doute dans le geste une sorte d’erreur de jeunesse, un acte aujourd’hui répréhensible, mais tous conviennent que Trudeau n’est pas un raciste — au contraire, comme l’a bien dit Yves-françois Blanchet — et qu’il est prêt à passer l’éponge. Et surtout à aborder des débats plus instructifs pour notre démocratie.
CURÉ AU BORDEL
Malgré tout, toujours au Québec, l’affaire pourrait avoir de sérieux dommages collatéraux.
D’abord parce que cela rappelle que Justin Trudeau est un sacré donneur de leçons de mulculturalisme. Le voir aux prises avec une affaire comme celle-là donne l’impression du « curé au bordel ». Le plus dommageable est peut-être ailleurs. Dans le mot « déguisement ». Les photos scandaleuses rappellent fortement que Justin Trudeau éprouve, depuis très longtemps, semble-t-il, un plaisir presque pathologique à se déguiser et à s’exhiber arborant un costume.
Même devenu premier ministre, Justin Trudeau l’a fait de manière régulière et éclatante.
Chaque fête d’halloween depuis 2015 fut l’occasion pour lui de le montrer. Non seulement à la maison avec ses enfants (ce qui est légitime), mais aussi au Parlement.
Puis, il y eut le voyage en Inde. La pathologie du déguisement du premier ministre et de sa famille devenait alors source d’embarras diplomatique.
Voilà, au-delà des questions raciales, ce que ramène à la surface l’affaire du blackface. Ce côté frivole, infantile, obsédé par les images, les égoportraits, les chaussettes bariolées. Un premier ministre bellâtre qui passe pour un guignol à l’étranger. Et qui, à la maison, dépense sans compter.
Un petit côté cigale en somme, qui s’adonne à des mascarades en laissant les déficits se multiplier et les dettes s’accumuler.
Ce déguisement de cigale, bien contemporain cette fois, plusieurs Québécois l’abhorrent.