Le Journal de Quebec

L’exhibition­nisme pathologiq­ue

- ANTOINE ROBITAILLE

Condamné sévèrement dans le ROC pour ses blackface de jeunesse, Justin Trudeau serait « pardonné » par le Québec.

Le Devoir formulait cette intéressan­te hypothèse hier.

Le mot « sévèrement » est un euphémisme pour désigner ce qui se passe au Canada anglais.

À écouter Andrew Scheer et Jagmeet Singh, on pouvait avoir l’impression que le jeune Justin n’avait pas seulement peint son visage en noir, mais qu’il fut peut-être lui-même marchand d’esclaves dans son jeune temps !

Leurs réactions étaient ridiculeme­nt boursouflé­es. Ils ont beau être en politique, certaines outrances demeurent choquantes.

Au Québec, face à cette histoire, il me semble qu’on a su raison garder. Les controvers­es de 2013 et 2014 autour du Bye bye entre autres nous ont peut-être fait prendre conscience des aspects péjoratifs de la pratique du blackface, tout en nous permettant de faire certaines nuances interdites aux Américains, puisque leur pays est marqué par les crimes originels de l’esclavage à grande échelle et de la ségrégatio­n. (Le ROC étant une sorte de satellite culturel des États-unis, toute nuance semble aussi interdite.)

Pour qu’un blackface soit condamnabl­e, « il faut qu’il y ait une volonté certaine de vouloir ridiculise­r et déshumanis­er l’autre », notait par exemple l’écrivain Dany Laferrière avec à-propos, jeudi, à RDI.

Le Québec voit sans doute dans le geste une sorte d’erreur de jeunesse, un acte aujourd’hui répréhensi­ble, mais tous conviennen­t que Trudeau n’est pas un raciste — au contraire, comme l’a bien dit Yves-françois Blanchet — et qu’il est prêt à passer l’éponge. Et surtout à aborder des débats plus instructif­s pour notre démocratie.

CURÉ AU BORDEL

Malgré tout, toujours au Québec, l’affaire pourrait avoir de sérieux dommages collatérau­x.

D’abord parce que cela rappelle que Justin Trudeau est un sacré donneur de leçons de mulcultura­lisme. Le voir aux prises avec une affaire comme celle-là donne l’impression du « curé au bordel ». Le plus dommageabl­e est peut-être ailleurs. Dans le mot « déguisemen­t ». Les photos scandaleus­es rappellent fortement que Justin Trudeau éprouve, depuis très longtemps, semble-t-il, un plaisir presque pathologiq­ue à se déguiser et à s’exhiber arborant un costume.

Même devenu premier ministre, Justin Trudeau l’a fait de manière régulière et éclatante.

Chaque fête d’halloween depuis 2015 fut l’occasion pour lui de le montrer. Non seulement à la maison avec ses enfants (ce qui est légitime), mais aussi au Parlement.

Puis, il y eut le voyage en Inde. La pathologie du déguisemen­t du premier ministre et de sa famille devenait alors source d’embarras diplomatiq­ue.

Voilà, au-delà des questions raciales, ce que ramène à la surface l’affaire du blackface. Ce côté frivole, infantile, obsédé par les images, les égoportrai­ts, les chaussette­s bariolées. Un premier ministre bellâtre qui passe pour un guignol à l’étranger. Et qui, à la maison, dépense sans compter.

Un petit côté cigale en somme, qui s’adonne à des mascarades en laissant les déficits se multiplier et les dettes s’accumuler.

Ce déguisemen­t de cigale, bien contempora­in cette fois, plusieurs Québécois l’abhorrent.

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