Le Journal de Quebec

Météo d’un comté baromètre

- GUILLAUME ST-PIERRE

« Si la tendance se maintient… » Si la tendance se maintient, il se pourrait bien que la traditionn­elle formule tombe plus tard qu’à l’habitude le soir des élections, le 21 octobre prochain.

La couleur du gouverneme­nt fédéral est souvent déjà connue avant que les scrutateur­s de la Colombie-britanniqu­e se mettent au travail. Cette foisci, il y a de réelles possibilit­és que les électeurs de la province nous tiennent en haleine.

Une des batailles féroces se jouera à Vancouver Nord, une circonscri­ption qui alterne entre libéraux et conservate­urs depuis le début du siècle. Le meilleur moyen de s’y rendre à partir du centre-ville, du moins le plus joli, est par le Seabus, un traversier pour piétons qui fait la liaison entre les deux rives en douze minutes.

Il pleut à boire debout depuis le début de la journée. La ville est plongée dans un épais brouillard. À partir de la baie, au loin, on aperçoit la chaîne Côtière, dont les sommets sont complèteme­nt recouverts par la brume.

DIVISION DU VOTE

Nous rencontron­s d’abord la néodémocra­te Justine Bell, dont les locaux sont situés dans un ancien salon de coiffure. « Non, je n’ai pas fait installer des miroirs partout parce que je suis une maniaque narcissiqu­e », dit-elle en éclatant de rire.

Le ton de la conversati­on change rapidement. La femme âgée de 39 ans a longtemps songé à revenir au bercail pendant son exil de 10 ans à Ottawa, mais elle était chaque fois freinée par le coût exorbitant des logements à Vancouver.

Elle a fait du logement social son cheval de bataille. « Le coût de la vie ici est tout simplement hors de contrôle », dit la dame, l’oeil humide. Elle-même habite un petit appartemen­t d’une chambre à coucher avec son enfant de quatre ans et son mari, malgré sa carrière comme fonctionna­ire.

Mme Bell mise sur une division du vote entre libéraux et conservate­urs pour se faufiler au fil d’arrivée.

UN LIBÉRAL CONFIANT

Les bureaux des candidats fédéraux sont tous idéalement situés pour l’électeur qui magasine son parti dans un rayon de quelques centaines de mètres.

Nous rejoignons le libéral Jonathan Wilkinson, le ministre des Pêches, dont les bureaux font face au port. De l’autre côté de la baie se profile au loin la silhouette du centre-ville de Vancouver, encore mouillé par les brumes.

Pendant que son attachée de presse prend des notes, l’ex-ministre affiche une certaine assurance en défendant le bilan de son gouverneme­nt. « J’ai la chance de faire partie d’un gouverneme­nt progressis­te qui a accompli des avancées progressis­tes dans une multitude de domaines », soutient-il.

Oui, les libéraux ont acheté un pipeline, mais ils ont aussi investi des millions dans les énergies vertes, dans la protection des océans, en plus d’imposer une taxe sur le carbone, énumère-t-il.

MATCH REVANCHE

Le conservate­ur Andrew Saxton se prépare depuis juin à affronter dans un match revanche son adversaire libéral qui l’a délogé en 2015.

Nous l’attendons dans son local, une ancienne boutique de comics, lorsqu’une femme entre pour se porter volontaire à sa campagne. « Il y a trop de réfugiés qui viennent ici pour profiter de nos programmes sociaux, sans donner en retour », dit-elle avec un fort accent indien.

M. Saxton, lui, mise sur l’environnem­ent et l’économie comme thèmes de campagne. « Les gens sont très conscients de l’environnem­ent, ici », souligne-t-il en nous offrant des brownies faits maison.

Il compte d’ailleurs sur une bonne performanc­e du Parti vert pour l’aider à battre son adversaire libéral.

ÉPIPHANIE

Nous descendons vers le port pour casser la croûte. Un joueur de banjo, grand et mince, gratte son instrument avec dextérité à l’abri de la pluie, sous un auvent. Une fois le repas englouti, nous remontons une nouvelle fois l’artère principale de la ville, l’avenue Lonsdale, bordée de chics restaurant­s aux cuisines variées.

Nous entrons chez le candidat vert, George Orr, qui est accompagné de sa femme et de son frère en ce mardi pluvieux. Cet ancien journalist­e a choisi de faire le saut en politique après un voyage en Thaïlande, durant lequel lui et sa femme ont pris soin d’éléphants maltraités.

M. Orr se dit convaincu que les électeurs de Vancouver Nord sont prêts à virer au vert. « Les gens que je rencontre dans la rue sont très sympathiqu­es à mon égard. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils vont voter vert qu’ils me trouvent gentil, ou parce qu’ils veulent que je déguerpiss­e », lance-t-il avec le sourire.

IMMIGRATIO­N

Quelques centaines de mètres plus loin, Azmairnin Jadavji, du Parti populaire du Canada, met la touche finale au décor de son local de campagne, tapissé de drapeaux canadiens.

De confession musulmane, M. Jadavji a immigré de Tanzanie lorsqu’il avait dix ans. La conversati­on débute en anglais, mais il se fait un plaisir de passer au français. « Mon ex-femme, c’est une bleuet du Lac-saint-jean ! », lance-t-il durant l’entrevue qui se déroulera dans les deux langues.

M. Jadavji admet qu’aux portes, les électeurs reprochent souvent à son parti d’entretenir un discours controvers­é sur l’immigratio­n. Il compte sur la présence du chef Maxime Bernier aux débats pour démontrer aux Canadiens que le Parti populaire n’est pas formé de « nationalis­tes blancs tarés ».

De retour sur le port, dans une brasserie, un match de hockey passe à la télé. Les conservate­urs ont acheté du temps d’antenne, durant les pauses publicitai­res, pour attaquer leurs adversaire­s libéraux.

À côté de nous, un homme regarde en buvant sa bière. « Ça vous parle ? », lui demande-t-on. « Oh, vous savez, moi, la politique... »

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