Nos déchets sont-ils vraiment recyclés à l’étranger ?
Une fois que le contenu du bac bleu est trié puis vendu par un courtier à un acheteur étranger, le centre de tri n’a aucune idée s’il sera bel et bien recyclé.
Les courtiers en recyclage qui achètent les matières aux centres de tri pour les revendre se font toutefois rassurants.
« Si un acheteur paie pour des matières, quel intérêt a-t-il à payer pour les enfouir ? », explique Yves Noël, consultant et fondateur de YNC Consultants et courtier en recyclage depuis plus de 25 ans.
« Au Canada, c’est déjà un des endroits où ça coûte le moins cher d’enfouir, alors pourquoi on enverrait à l’étranger ? »
TRIÉS SUR LE VOLET
M. Noël, lui, trie ses clients sur le volet. Avec une quinzaine de courtiers, ils se sont regroupés sur une plateforme internet pour s’entraider à vérifier la réputation des vendeurs et acheteurs.
« Si un des 15 passe à Montréal, un autre peut lui demander de passer dans un centre pour aller voir la matière. On devient une police entre nous pour s’assurer que la business se fait bien », explique M. Noël.
«On a des agents en Asie et je vais faire la tournée de mes clients », ajoute un autre courtier, qui ne souhaite pas être nommé.
SECRET DE COURTIER
Mais le propriétaire d’un centre de tri, lui, ne connaît pas toujours la destination précise de ses matières.
« Ça devient un secret pour le courtier pour éviter de se faire bypasser par quelqu’un et ne pas perdre ses contrats, car c’est son pain et son beurre », dit M. Noël.
« Moi, je vends au courtier. Il peut l’envoyer en Inde, en Indonésie, aux Philippines, en Chine, où il veut. Moi, mon acheteur, c’est le courtier, et non la papetière », explique Gilbert Durocher, président de RSC à qui appartient le centre de tri que nous avons infiltré à Châteauguay.
Frédéric Potvin, directeur général de Tricentris à Terrebonne, a expliqué en commission parlementaire, en août, qu’à partir du moment où un centre de tri est payé, logiquement, c’est que la matière est recyclée.
« Lorsqu’on est payé, minimalement, on sait que ça va être recyclé. Bon, de quelle manière? Ça, on le sait moins, on n’est pas allé visiter effectivement. Mais lorsqu’on doit payer pour disposer d’une matière, là, il y a lieu de s’inquiéter », a-t-il dit.
« Je vais être bien honnête avec vous, je ne suis jamais allé visiter, dit M. Durocher au sujet des papetières indiennes. Est-ce que [le tri] est fait manuellement ou mécaniquement, je parlerais à travers mon chapeau, je ne sais pas, je ne suis pas allé. »
Même Éco Entreprises Québec, qui finance la collecte sélective avec les contributions des entreprises, ainsi que Recyc-québec n’ont que des informations partielles également.