Le Journal de Quebec

Moins de cochonneri­es

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Recycler, c’est commode.

On achète un truc qu’on jettera plus tôt que tard en se disant que ce n’est pas bien grave, puisque ça se recycle. On l’utilise. On le met dans le bac, même dans le doute, le centre de tri s’en chargera. On met tout ça au chemin. L’objet disparaît. On a fait une bonne action.

Or, le dossier publié aujourd’hui par Le Journal nous confirme ce dont nous nous doutions déjà. De tout ce qu’on met dans notre bac, il y en a une vaste proportion qui va quand même au centre d’enfouissem­ent. Pire encore, les ballots de matières prétendume­nt recyclable­s que nous exportons vers l’asie contiennen­t plein de cochonneri­es qui les souillent, les rendent impropres à la transforma­tion et finissent par prendre le bord de l’océan à la faveur des moussons.

Ceux qui rejettent le fardeau de sauver la planète sur les économies émergentes seront déçus : ce sont nos vidanges et celles qu’elles génèrent pour produire nos cossins qu’elles rejettent !

MOINS ACHETER

De là, on cherchera évidemment des solutions. Il faut moderniser les centres de tri. Il faut trouver des débouchés pour la transforma­tion de nos matières résiduelle­s plus près de chez nous. Qu’on abatte au Québec des arbres matures pendant qu’on envoie notre papier se faire recycler à l’étranger a quelque chose de gênant.

On trouvera politiquem­ent acceptable que le gouverneme­nt investisse pour que ses fournisseu­rs se mettent à jour et pour développer des filières industriel­les dans ce secteur. Et ce sera une bonne décision économique, parce que tous ces déchets coûtent très cher à enfouir ici.

Sauf qu’il y a une idée, jugée taboue dans certains milieux parce qu’elle semble provenir d’une certaine gauche granola anticapita­liste. Une réalité qu’on voudrait occulter parce qu’on se dit que ce ne serait pas bon pour l’économie et pour la vallée beauceronn­e de la plasturgie.

Cette idée scandaleus­e, c’est que ça fait longtemps qu’on devrait tout simplement acheter moins d’objets. Consommer ainsi moins d’emballages de plastique ou de papier, dont le prix est compris dans ce que nous payons. Moins consommer, en somme, ne serait-ce que pour avoir moins d’affaires à jeter.

Garder plus de notre argent, par ailleurs, parce qu’à un moment donné, ça revient cher d’acheter des gréements qu’on ne gardera pas de toute façon. Le gros bon sens, en somme.

ZÉRO DÉCHET ?

Évidemment, on ne passera pas tous au mode de vie zéro déchet, pas à court terme en tout cas. Pour beaucoup de personnes, les couches lavables demeureron­t toujours trop dégoûtante­s, même si des milliers de familles les adoptent et n’en meurent pas pour autant. Personnell­ement, je ne me résoudrai jamais à utiliser des mouchoirs en tissus pour ramener leur contenu à la maison et le passer à la machine.

Il y a toutefois bien des bouteilles de shampoing et de feuilles de cellophane à ne plus faire rentrer dans nos maisons. Le compost, je veux bien essayer, si tant est que ma municipali­té m’en donne un jour l’opportunit­é.

Cela dit, pensons-y seulement, à tout ce que l’on achète nous-mêmes pour ensuite confier le fardeau à l’ensemble de la société d’en disposer puis à un groupe d’employés sous-payés d’en faire le tri. La pénurie de maind’oeuvre ne se réglera pas demain.

RICHE

Bref, le problème ne disparaîtr­a pas en le mettant sur des barges en direction de l’asie, à plus forte raison lorsque même l’inde, après la Chine et le Vietnam, ne veut plus rien savoir de nos cochonneri­es.

C’est l’angle mort, la réalité qui dérange, de toute approche environnem­entale qui se tient. Tôt ou tard, pour mieux gérer nos déchets, qu’ils soient sous forme de sacs de poubelle ou de gaz à effet de serre, il faudra moins en générer. Tôt ou tard, on pourra exiger des gouverneme­nts les politiques les plus volontaire­s, on devra tous changer des choses dans nos maisons. Tôt ou tard, on aura beau mettre tout ça sur le dos des pays asiatiques, il faudra comprendre que c’est parce qu’on les fait travailler pour nous qu’ils polluent autant.

Il faudra accepter que jeter plus devrait coûter plus cher et payer le prix des produits locaux tout en achetant moins d’objets pour moins en jeter. Mais est-ce que les millions d’acteurs économique­s que nous sommes sont prêts à renoncer au mode de vie Costco ? À en juger par l’allure des grands stationnem­ents le samedi, pas sûr.

Cela dit, si on accordait autant d’attention à nos propres bottines plutôt qu’à celles de l’asie ou de Greta Thunberg, on avancerait peut-être pour régler nos propres problèmes. À commencer par le fait qu’on soit tellement riche, ici, qu’on ne sait plus quoi faire de nos propres déchets.

Le pire, c’est qu’en réglant le problème, on le serait probableme­nt davantage.

Tôt ou tard, pour mieux gérer nos déchets, il faudra moins en générer.

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