Le Journal de Quebec

Forte hausse chez les jeunes filles

La consommati­on d’antidépres­seurs a augmenté de 68 % au cours des cinq dernières années

- DIANE TREMBLAY

La consommati­on d’antidépres­seurs a connu une hausse phénoménal­e de 68 % en cinq ans chez les jeunes filles de 17 ans et moins, une situation qui inquiète certains experts.

Selon des données compilées par Le Journal, le coût du régime public, administré par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) pour le remboursem­ent d’antidépres­seurs, s’élevait à 83,4 M$ en 2018.

Le nombre de personnes qui consomment des antidépres­seurs couverts par ce régime est passé de 421 011 à 514 986, de 2014 à 2018, soit une hausse de 22 %. Parmi les bénéficiai­res l’année dernière, on retrouvait 3 423 filles de 17 ans et moins contre 2 064 garçons.

« Les réseaux sociaux mettent une pression incroyable sur les jeunes qu’on n’avait pas avant », affirme d’entrée de jeu le Dr Gilles Chamberlan­d, psychiatre à l’institut Philippe-pinel de Montréal ( voir autre texte).

FACILE À PRESCRIRE

Si la quantité d’antidépres­seurs a augmenté au fil des ans, c’est parce qu’ils sont plus faciles à prescrire puisqu’ils sont mieux tolérés par les patients, soutient le spécialist­e qui favorise une approche biopsychos­ociale.

« Maintenant, tous les médecins de famille vont en prescrire sans trop d’hésitation. C’est beaucoup plus accessible que ce l’était. »

La Dre Valérie Labbé, pédiatre à l’hôtel-dieu de Lévis, n’est pas surprise par ces chiffres, mais elle s’en inquiète. Elle et 44 pédiatres ont publié une lettre dans les médias en début d’année pour dénoncer la consommati­on excessive de médicament­s chez les jeunes.

« Il faut voir pourquoi on est rendu à des chiffres aussi grands », dit-elle.

DES SPÉCIALIST­ES DÉBORDÉS

De plus en plus de jeunes consomment des antidépres­seurs pour traiter des troubles anxieux. Depuis le début de la rentrée scolaire, Dre Labbé assiste à une multiplica­tion des cas.

« Il y a beaucoup de détresse chez les jeunes. À la rentrée scolaire, on est inondés d’appels. L’été, on ne voit pas ça », dit-elle.

Les pédopsychi­atres sont littéralem­ent débordés par les cas d’anxiété et de dépression chez les jeunes, souligne-t-elle.

« Il y a 10 ans, on référait ces cas-là en pédopsychi­atrie, mais maintenant, il y en a tellement. C’est une plainte qui est fréquente et que l’on voit souvent. Ils ne sont plus capables de tous les voir. Alors ils nous demandent de commencer la médication pour les cas simples », affirme Dre Labbé.

Cette dernière craint la banalisati­on des antidépres­seurs auprès des jeunes, comme ce fut le cas avec le Ritalin.

« On rentre dans une zone grise pâle. Dans le cas du TDAH, on est allés trop loin », reconnaît-elle au nom du corps médical.

Pour diminuer les risques de récidive, il n’est pas rare, selon le Dr Chamberlan­d, que les médecins prescriven­t la prise d’antidépres­seurs jusqu’à un an à partir du moment où la personne se sent mieux. En 2018, on dénombrait plus de 10 millions de renouvelle­ments et de nouvelles ordonnance­s remboursés par le régime.

– Avec la collaborat­ion de Mathieu Boulay, Agence QMI

 ?? PHOTOS DIANE TREMBLAY ?? Pour l’avoir vécu, Sarah-jane, 20 ans, de Québec, considère que les antidépres­seurs cachent plus les problèmes qu’ils ne les règlent. De leur côté, Laurence, Alexia et Vicky (en mortaise) font du sport pour gérer leur stress.
PHOTOS DIANE TREMBLAY Pour l’avoir vécu, Sarah-jane, 20 ans, de Québec, considère que les antidépres­seurs cachent plus les problèmes qu’ils ne les règlent. De leur côté, Laurence, Alexia et Vicky (en mortaise) font du sport pour gérer leur stress.

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